L’obligation de dénonciation

Publié le 17/10/2022

Cette fiche, rédigée par le pôle juridique de la CFDT Fonction publique, reprend les dispositions concernant l‘obligation de dénonciation : De quoi s’agit-il ? Qui est concerné ? Quelles sont les modalités ? Quelles sont les principales caractéristiques ? …

De quoi s'agit-il ?

Il s’agit de l’obligation, instituée par le Code de procédure pénale, de dénoncer au procureur de la République les crimes et délits. Cette obligation résulte tant du Code de procédure pénale (art. 40, al. 2) qui vise expressément les fonctionnaires, que de l’article L121-11 du CGFP qui y renvoie et l’élargit à l’ensemble des agents publics.

Qui est concerné ?

Tous les agents publics.

À l’inverse, certains avaient pu considérer que cette obligation ne concernait que les fonctionnaires, à l’exclusion donc des contractuels, en application d’une interprétation stricte du texte. En effet, en matière pénale, le droit est d’interprétation restrictive. Selon la formule célèbre, « si le vol de chevaux (pluriel) est passible de la pendaison, alors le vol d’un cheval (singulier) n’est passible d’aucune peine ». Or, l’article du code est clair : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire ».

Toutefois, le droit pénal et plus précisément ici la procédure pénale, ne s’embarrasse pas des distinctions parfois complexes, voire ambigües du droit administratif.

Surtout, dès lors que le CGFP a vocation, en application de son article L2,  à s’appliquer aussi aux personnels contractuels, de toute évidence cette obligation s’impose à tous les agents publics, à l’exception des personnels de pur droit privé, notamment les agents des établissements publics industriels et commerciaux. Ce point est confirmé par la lecture de l’article L.121-11 du Code Général de la Fonction Publique aux termes duquel « Les agents publics se conforment aux dispositions du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale pour tout crime ou délit dont ils acquièrent la connaissance dans l'exercice de leurs fonctions. » 

Pour rappel, les autorités constituées sont celles instituées en vertu de la Constitution, principalement les élus, depuis le président de la République jusqu’aux conseillers municipaux, et aussi, bien évidemment, les ministres.

Les officiers publics sont des personnes qui dressent des actes authentiques, les officiers d’état civil, les commissaires-priseurs, mais de nombreux officiers publics sont également des officiers ministériels (notaires, huissiers).

Quelles sont les modalités ?

En droit, la saisine du procureur de la République a lieu par courrier en recommandé avec accusé de réception.

Il peut également s’agir d’une lettre simple, mais se posera alors le problème de la preuve de son envoi.

Enfin, l’agent peut se rendre à la gendarmerie ou au commissariat de police.

En fait, ce type de démarche ne saurait être pratiquée sans saisine préalable de la hiérarchie de l’agent, ne serait-ce qu’en raison du risque encouru par celui-ci de voir déposer une plainte à son encontre pour des faits de dénonciation calomnieuse, ainsi que du risque erroné de qualification juridique des faits : s’il est relativement facile de constater un crime, la notion de délit est beaucoup plus difficile à appréhender.

Quelles en sont les principales caractéristiques ?

Il importe de relever deux choses fondamentales et une interrogation :

1°) Le texte dispose que c’est « dans l’exercice de ses fonctions ». Il s’agit donc de toute infraction dont l’agent public a connaissance en dehors de sa vie privée, à l’occasion de l’exercice de son activité professionnelle. Peu importe son champ de compétence professionnel d’autant que, par définition, la commission d’un crime ou d’un délit ne saurait revêtir une qualification d’administrativité.

2°) Il s’agit des crimes et délits, à l’exclusion donc des contraventions.

En effet, le droit pénal distingue trois catégories d’infractions :

  1. Les crimes, les infractions les plus graves, qui sont passibles de la Cour d’assises, pour lesquels une peine de 10 ans d’emprisonnement au moins peut être prononcée, en plus des peines accessoires et des amendes.
  2. Les délits qui sont passibles du Tribunal correctionnel lequel, outre d’autres peines, peut prononcer un emprisonnement de 10 ans maximum.
  3. Enfin, les contraventions, passibles du tribunal de police, lequel peut condamner l’auteur de l’infraction à une amende pouvant s’élever à 3.000 € maximum, ainsi qu’à d’autres peines, à l’exclusion de l’emprisonnement.

De sorte, l’agent qui croit constater une infraction, devra s’assurer, préalablement à la dénonciation, qu’il s’agit d’un crime ou d’un délit, ce qui s’avère d’autant plus difficile à distinguer que la récidive peut emporter requalification d’une contravention en délit, qu’à l’inverse, le principe du droit pénal, et donc sauf exceptions, réside dans le caractère intentionnel de l’infraction.

En d’autres termes, la question se posera bien souvent à l’agent de savoir s’il n’a pas intérêt à consulter, en préalable et à ses frais, un avocat pénaliste. Plus certainement, et hors des cas d’évidence, il conviendra d’agir avec circonspection en saisissant d’abord sa hiérarchie.

3°) La question se pose de savoir à partir de quel moment une personne acquiert connaissance d’une infraction. On se souvient à ce sujet de la formule « responsable mais pas coupable ».

Quid aussi de la tentative ?

Que doit faire un agent, si un collègue vient vers lui se plaindre d’être victime de harcèlement de la part d’un tiers ?

Plus généralement, ce texte renvoie à la problématique de la protection du lanceur d’alerte (voir à ce sujet la fiche qui lui est consacrée).

Dans quels délais ?

Dès que l’agent a connaissance des faits incriminés, il lui appartient d’en référer : « sans délai ».

Quelles sont les obligations de l'agent ?

Le texte dispose que le fonctionnaire doit « transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». En d’autres termes, il convient d’adresser au procureur de la République tous les éléments de preuve relatifs à la constitution de l’infraction.

À défaut de saisine, l’agent encourt deux types de sanction cumulatives :

1°) Une sanction administrative, c’est-à-dire disciplinaire ;

2°) Une sanction pénale, bien qu’aucun texte ne vise précisément la violation de l’article 40. C’est donc par référence à d’autres textes généraux qu’une condamnation peut être infligée, par exemple au titre du délit d’entrave à la saisine de la justice, s’agissant des crimes. Une autre qualification pourra être envisagée selon l’infraction commise et pourra aller, en théorie, jusqu’à la complicité, sachant qu’en droit, le complice est passible des mêmes peines que l’auteur de l’infraction.

S’agissant des agents de la police municipale, il importe de noter que leurs obligations sont plus étendues en application de l’article 21-2 du Code de procédure pénale aux termes duquel :

« Sans préjudice de l'obligation de rendre compte au maire qu'ils tiennent de l'article 21, les agents de police municipale rendent compte immédiatement à tout officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétent de tous crimes, délits ou contraventions dont ils ont connaissance

Ils adressent sans délai leurs rapports et procès-verbaux simultanément au maire et, par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire mentionnés à l'alinéa précédent, au procureur de la République. ».

Texte :

Code de procédure pénale : Article 40 al.2.