Les obligations de neutralité et de laïcité

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Cette fiche, rédigée par le pôle juridique de la CFDT Fonction publique, reprend les dispositions concernant les obligations de neutralité et de laïcité. De quoi s’agit ? Qui est concerné ? Quelles sont les caractéristiques ?  …

De quoi s'agit-il ?

Ces obligations sont connues de longue date. Ainsi, l’obligation de neutralité constitue un prolongement du principe d’égalité d’accès au service public, l’un des trois principes fondamentaux du service public (voir la fiche qui leur est consacrée), aussi dénommées « lois de Rolland » par référence au professeur qui, dès 1928, énonçait ces 3 lois du service public. Cette obligation a été rappelée dès 1948 par le Conseil d’État (CE, 8 décembre 1948, Dlle Pasteau) avant de se voir reconnaître valeur constitutionnelle (décision 86-217 DC, 18 sept. 1986, rec. CC p.141 considérant n°15, Loi liberté de communication), le Conseil d’État mettant en exergue que les principes d’égalité et de neutralité sont corollaires.

Quant à l’obligation de laïcité, force est de rappeler que la notion d’État de droit renvoie précisément au principe de neutralité des agents publics qui sont ainsi soumis au respect de la loi, y compris bien évidemment la première d’entre elles, la Constitution, dont l’article 1er énonce que « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». De sorte, un agent du service public ne saurait s’affranchir du principe de laïcité, alors même qu’il serait employé par une personne privée.

Mais le principe de neutralité, et par là-même le principe de laïcité, trouvent également leur origine dans l’obligation de subordination hiérarchique qui impose la loyauté de l’agent à l’égard de son employeur (CE, 1er octobre 1954, Guille).

Aussi, il convient de relever que ces obligations, si elles n’étaient pas antérieurement inscrites dans la loi, constituaient un véritable pan de l’obligation de réserve (voir la fiche qui lui est consacrée), construction jurisprudentielle (CE, 11 janvier 1935, Bouzanquet) qui est opposable tant aux agents publics qu’aux candidats à la fonction publique.

Qui est concerné ?

Tous les agents du service public, y compris, dans certains cas, les candidats à la Fonction publique (CE, 10 mai 1912, Abbé Bouteyre, s’agissant d’un ecclésiastique désireux de passer le concours de l’agrégation de philosophie ; mais il s’agit assurément d’un arrêt d’espèce en ce qu’il est aujourd’hui admis qu’un ministre d’un culte peut exercer au sein de la Fonction publique dès lors qu’il respecte ses obligations de neutralité et de réserve : CE, 27 juin 2018, SNESUP-FSU, n°419595, à propos d’un prêtre président de l’université de Strasbourg).

À noter : ces principes s’étendent également aux agents sous contrat de droit privé auprès d’un organisme privé chargé d’une mission de service public (Cass soc., 19 mars 2013, CPAM de Seine-St-Denis, n°12-11.6690, Bull. 2013 V n° 75).

Quelles en sont les principales caractéristiques ?

Le principe de neutralité signifie que l’agent a l’interdiction absolue de manifester ses opinions politiques, philosophiques ou religieuses, à l’occasion de l’exercice de ses missions. Le principe de laïcité constitue donc le prolongement du principe de neutralité dans le domaine religieux.

Ces interdictions s’opposent à toutes les formes de manifestation d’expression. Sont ainsi interdits : l’expression d’opinion politique dans l’exercice des missions ( CE, 22 novembre 2004, Ministère de l’Éducation Nationale ;CAA Lyon, 12 décembre 1995, Courtelle, n°94LY 00695) , le port d’un insigne religieux (CE, 3 mai 2000, Mlle Marteau, p.169 ; CJUE, 28 novembre 2023, n°148/22 Commune d’Ans), utiliser ses fonctions pour diffuser des documents de nature confessionnelle (CE, 19 février 2009, Bouvier, n°311633) ou faire mentionner ses coordonnées professionnelles sur le site d’un organisation religieuse (CE, 15 octobre 2023, Odent).

En conséquence, la liberté syndicale doit se conjuguer avec le principe de neutralité, ce dont il résulte qu’un agent en service n’est pas autorisé à distribuer des tracts syndicaux (CE, 27 février 2006, Syndicat SUD Recherche EPST, n°277945).

Bien évidemment, le principe de neutralité interdit que l’agent prenne en compte les convictions d’un usager et le discrimine en conséquence. Ainsi, l’agent doit respecter la liberté de conscience de chacun.

Les agents entre eux sont aussi soumis à la règle de neutralité. L’agent qui viole cette règle au sein de son propre service ne pourra donc en retour invoquer le respect de ses propres convictions, de sa liberté de conscience vis-à-vis de ses collègues, de ses supérieurs ou de ses subordonnés (CJUE, 28 novembre 2023, n°148/22 Commune d’Ans).

Quels sont les droits de l'agent ?

L’agent est en droit d’invoquer les principes de neutralité et de laïcité. L’exemple le plus symbolique et l’un des plus anciens, en 1904, réside dans « l’affaire des fiches ». Des officiers étaient fichés par l’administration en fonction de leurs convictions politiques et religieuses. Le scandale aboutira en 1905 à la chute du gouvernement Combes et à l’adoption de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant droit d’accès au dossier, toujours en vigueur, et codifié à l’article L137-4 du CGFP notamment (voir la fiche consacrée au droit d’accès au dossier individuel).

Ainsi, il convient de conjuguer le principe de laïcité avec la liberté d’opinion (voir la fiche consacrée à ce sujet) et la liberté religieuse garantie par la Convention européenne des droits de l’homme en son article 9. De sorte, le Conseil d’État a eu l’occasion de relever l’illégalité du refus de titularisation d’un agent en violation de la liberté religieuse (refus motivé par le fait que cet agent fréquentait un groupe confessionnel en dehors de ses heures de service : CE, 3 mai 1950, Dlle Jamet), confirmant la jurisprudence antérieure (CE, 25 juillet 1939, Dlle Beix, s’agissant du refus de recruter une institutrice au motif qu’elle avait été élève d’un établissement confessionnel).

À noter : la Cour Européenne des Droits de l’Homme a toutefois admis qu’au nom des valeurs d’une société démocratique, un État pouvait refuser à une personne l’exercice d’une profession sur la base de son appartenance à une mouvance religieuse qui nie la légitimité du droit local et tend à menacer les libertés et droits fondamentaux des citoyens (CEDH, 14 décembre 2023, S.B. c/ Belgique, n°P16-2023-001).

Quelles sont les obligations de l'agent ?

L’agent qui viole une telle obligation encourt une sanction disciplinaire qui pourra aller jusqu’à la révocation. Il est également susceptible, selon la gravité des faits, de voir sa responsabilité pénale engagée et ainsi d’encourir une sanction correctionnelle.

 

Textes :

CGFP : article L121-2

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