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La discipline et les sanctions des fonctionnaires

Publié le 12/05/2023 (mis à jour le 09/10/2023)

Cette fiche, rédigée par le pôle juridique de la CFDT Fonction publique, reprend les dispositions concernant la discipline des fonctionnaires : De quoi s'agit-il ? Qui est concerné ? Quelles sont les modalités ? Quelles conséquences sur la carrière ? …

De quoi s'agit-il ?

La discipline constitue l’ensemble des règles et procédures relatives aux sanctions administratives susceptibles d’être infligées à un fonctionnaire qui aurait commis une violation de ses obligations. Dans certains cas, la sanction administrative peut être doublée d’une sanction pénale, par exemple en cas de violation du secret professionnel.

Il importe de rappeler un principe trop souvent ignoré : l’autorité dépositaire du pouvoir disciplinaire est l’autorité de nomination. La principale cause d’annulation des sanctions disciplinaires réside dans la violation de ce principe : la sanction est annulée pour incompétence de l’auteur de l’acte.

Les règles en matière de délégation de ce pouvoir sont très strictes et limitées à la Fonction publique de l’État. La délégation du pouvoir de nomination emporte délégation du pouvoir disciplinaire. Toutefois, il peut y avoir délégation du seul pouvoir disciplinaire pour les sanctions du 1er et 2e groupe alors que le pouvoir de nomination peut être délégué sans qu’il ait délégation des pouvoirs disciplinaires pour les sanctions des 3e et 4e groupe.

Qui est concerné ?

Tous les fonctionnaires sont concernés. Les sanctions disciplinaires divergent selon le régime juridique auquel l’agent est soumis : voir les fiches sur ce sujet pour les stagiaires et pour les contractuels.

À noter : certains statuts dérogatoires au régime général de la Fonction publique concernent notamment le régime disciplinaire (c’est le cas des enseignants par exemple).

Quelles sont les modalités ?

L’engagement d’une procédure disciplinaire répond à l’obligation impérieuse de respecter une procédure très stricte dont l’inobservation emporte nullité de la sanction qui sera prononcée par le Juge en cas de recours contentieux.

La procédure est initiée par l’autorité de nomination ou par l’autorité territoriale qui saisit, le cas échéant, à savoir si une sanction des 2e , 3e ou 4e groupes est envisageable, la commission administrative paritaire compétente, qui siège alors sous la forme du conseil de discipline.

Dans la Fonction publique territoriale, cette instance est présidée par un magistrat de l’ordre administratif.

L’agent est convoqué par le président du conseil de discipline au moins 15 jours avant la réunion, par recommandé avec accusé de réception.

Il est entendu par le conseil et peut déposer un mémoire écrit.

À noter : l’agent peut demander un report de l’examen de son dossier à la réunion suivante.

Le conseil entend l’agent, ou son représentant, et peut ordonner une enquête. Tout comme l’administration, l’agent peut demander à ce que des témoins soient entendus.

La délibération du conseil est secrète.

Le conseil peut rendre plusieurs types d’avis : avis favorable à la sanction proposée par l’administration, avis défavorable à la sanction proposée, et proposition d'une autre sanction ou proposition de ne pas prononcer de sanction. Le conseil de discipline peut aussi ne formuler aucune proposition si la majorité des membres présents n'a pas trouvé d'accord.

Dans tous les cas, cet avis est motivé.

À partir de quand et pour combien de temps ?

La procédure disciplinaire doit être engagée dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle l’administration a connaissance des faits constitutifs de la faute de l’agent. L’action pénale interrompt ce délai.

Le conseil de discipline, sauf cas particulier de procédure pénale parallèle, doit rendre son avis dans un délai de 2 mois suivant sa saisine (1 mois si l’agent fait l’objet d’une suspension à titre conservatoire).

La maladie de l’agent n’interdit pas l’engagement d’une procédure disciplinaire.

Quelles conséquences sur la carrière ?

Les conséquences sur la carrière dépendent de la sanction infligée.

Quelles en sont les principales caractéristiques ?

Seules les sanctions légalement instituées (c’est à dire instituées par le législateur, la loi au sens strict) peuvent être prononcées ; l’autorité titulaire du pouvoir disciplinaire ne peut pas inventer des sanctions.

Il existe 4 groupes de sanctions :

Premier groupe (le conseil de discipline peut alors ne pas être saisi) :

  1. a) L'avertissement (il n’est pas inscrit au dossier) ;
  2. b) Le blâme (il est effacé du dossier au bout de 3 ans, sauf nouvelle sanction dans cet intervalle) ;
  3. c) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de 3 jours (elle peut être assortie d’un sursis ; la sanction est effacée du dossier au bout de 3 ans, sauf nouvelle sanction dans cet intervalle).

Deuxième groupe (ces sanctions sont effacées du dossier, à la demande de l’agent, au bout de 10 ans après le prononcé de la sanction si l’agent n’a pas été à nouveau sanctionné) :

  1. a) L'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par le fonctionnaire ;
  2. b) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 4 à 15 jours (elle peut être assortie d’un sursis) ;
  3. c) La radiation du tableau d'avancement (dans la Fonction publique de l’État uniquement ; il peut s’agir d’une sanction complémentaire à une autre sanction du 2e ou du 3e groupe) ;
  4. d) Le déplacement d'office (dans la Fonction publique de l'État uniquement).

Troisième groupe (ces sanctions sont effacées du dossier, à la demande de l’agent, au bout de 10 ans après le prononcé de la sanction si l’agent n’a pas été à nouveau sanctionné) :

  1. a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par le fonctionnaire ;
  2. b) L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 16 jours à 2 ans (elle peut être assortie d’un sursis mais l’exclusion effective ne saurait être inférieure à 1 mois).

Quatrième groupe

  1. a) La mise à la retraite d'office (sous réserve de justifier du minimum légal de durée de cotisations pour ouvrir droit à pension ; cette sanction peut être prononcée, même si l’agent n’a pas l’âge requis pour faire valoir ses droits à pension);
  2. b) La révocation : c’est l’équivalent du licenciement pour faute.

Comment la sanction est-elle élaborée ?

La sanction prend la forme d’un arrêté de l’autorité compétente, au visa de l’éventuel avis du conseil de discipline. La décision doit être motivée. L’autorité n’est pas liée par l’avis du conseil de discipline : il s’agit d’un avis obligatoire mais non d’un avis conforme.

Quels sont les droits de l'agent ?

Très généralement, la procédure s’inscrit dans un dispositif de protection de l’agent conforme au respect des droits de la défense.

Ainsi, l’agent a, dès le début de la procédure, droit d’accès à son dossier. Ce droit doit être mentionné dans l’acte par lequel il est informé de l’engagement de la procédure.

Durant la procédure, il a le droit de se faire assister par la personne de son choix, y compris un avocat, de répondre aux accusations portées contre lui, de faire entendre des témoins. Il a droit de se faire communiquer tous les éléments mis à sa charge et à sa décharge et, notamment, outre le rapport engageant la procédure, toutes les pièces du dossier, ainsi qu’un éventuel rapport d’enquête.

L’agent peut contester la décision par un recours administratif (recours hiérarchique lorsqu’il existe, recours gracieux) et devant le juge administratif, ceci dans un délai de 2 mois à compter de la notification de la sanction.

À noter : le recours administratif, s’il peut annuler la sanction, ne peut donner lieu à une modification de la sanction, sans nouvelle saisine du conseil de discipline.

Quelles sont les obligations de l'agent ?

L’un des particularismes de la discipline dans la Fonction publique résulte du caractère statutaire et réglementaire de la situation de l’agent. En conséquence, les obligations de l’agent dépassent le seul cadre professionnel, et s’étendent à sa vie privée. Ainsi, l’agent peut faire l’objet de sanctions disciplinaires au seul motif qu’il a violé, non pas les seules obligations légalement instituées à titre professionnel, mais également pour des motifs liés à ses obligations de dignité et d’intégrité. Les obligations de dignité et d’intégrité signifient que l’agent, y compris dans sa vie privée, doit avoir un comportement irréprochable. Elles constituent l’un des pans des obligations déontologiques des agents publics.

De sorte, tout manquement à l’obligation de probité, de dignité ou d’intégrité peut être sanctionné par des sanctions disciplinaires. Ainsi, un comportement contraire à la déontologie pourra faire l’objet d’une sanction disciplinaire, peu importe que les faits reprochés aient eu lieu, ou non, dans la sphère privée, et qu’ils aient, ou non, fait l’objet d’une sanction pénale. L’agent doit avoir un comportement exemplaire, toujours mesuré et respectueux des règles et convenances, y compris dans la sphère privée, ce qui implique par exemple de payer ses impôts, ses loyers. Il peut même être sanctionné pour entretenir des relations avec des personnes « de mauvaise vie » (terminologie encore actuelle de la jurisprudence administrative), par exemple des prostituées ou des trafiquants.

Il convient de préciser que la procédure suite à un abandon de poste n’est pas une procédure disciplinaire, mais la conséquence de la violation de l’agent de son obligation de service. Cette procédure emporte, si elle aboutit, à la radiation des cadres de l’agent (et non à la révocation), donc à sa perte de qualité de fonctionnaire, mais il ne s’agit pas d’une procédure disciplinaire. L’une des différences fondamentales, outre la procédure, réside en ce que l’agent radié des cadres n’a pas droit aux indemnités chômage car l’abandon de poste est considéré comme volontaire.

De même, le licenciement pour insuffisance professionnelle ne constitue pas une sanction disciplinaire.

À noter : il importe de distinguer 2 types de suspension :

  • La suspension à titre conservatoire, certes souvent prononcée à l’occasion d’une procédure disciplinaire, mais qui n’est pas une sanction disciplinaire ; elle est une simple mesure d’éloignement de l’agent,
  • La suspension pour un motif disciplinaire qui, elle, constitue une sanction.

Textes

CGFP : Articles L125-1 et L530-1 à L533-6 ;

Décret n°84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire dans la fonction publique d'État ;

Décret n°89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire dans la fonction publique territoriale ;

Décret n°89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire dans la fonction publique hospitalière.