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L’accord égalité hommes-femmes dans la fonction publique sera signé, mais pas appliqué

Publié le 30/11/2018 (mis à jour le 04/12/2018)

Trois syndicats de fonctionnaires – la CGT, FO et Solidaires –, refusent de signer le texte dans le délai imparti par le gouvernement.

Le Monde du 29 novembre 2018

Tout le monde a gagné, sauf les femmes. Le protocole d’accord sur l’égalité hommes-femmes dans la fonction publique sera bien signé, vendredi 30 novembre, mais il ne sera pas appliqué. C’est le drôle d’épilogue auquel aboutit la guerre des nerfs engagée, il y a quelques jours, entre Olivier Dussopt et trois syndicats de fonctionnaires – la CGT, FO et Solidaires –, qui refusent de signer le projet de texte dans le temps imparti par le gouvernement.

Le secrétaire d’Etat de Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a toujours prévenu qu’il n’appliquerait pas un accord minoritaire, considérant que ce n’était pas un bon signal à envoyer en matière de négociation sociale. Or, CGT, FO et Solidaires représentent 51 % des fonctionnaires. L’accord ficelé le 24 octobre sera donc signé avec les six organisations sur les neuf qui sont prêtes à le faire. Mais il ne sera pas appliqué tant qu’il ne sera pas majoritaire.

Situation incongrue

Cette situation fera une première victime collatérale. Un amendement au projet de loi de finances pour 2019, qui entame sa dernière ligne droite au Parlement, ne pourra y figurer : il prévoyait de dégager des fonds pour créer 3 000 places de crèche en trois ans. Une dizaine de mesures que le gouvernement envisageait d’introduire dans le projet de loi sur la fonction publique, début 2019, pourraient également faire les frais de cette épreuve de force.

La situation est incongrue. Car, sur le fond, le projet d’accord convient peu ou prou à tout le monde, même si FO est nettement plus réservée sur le sujet. Le compromis établi après plusieurs semaines de négociations entre Olivier Dussopt et huit des neuf organisations représentatives de la fonction publique a pour objectif de « franchir un nouveau cap en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ». Plan d’action, nominations équilibrées, lutte contre les écarts de rémunération entre hommes et femmes… Selon de nombreux acteurs, le projet va dans le bon sens et s’appuie « sur des dispositifs obligatoires et contraignants, pouvant donner lieu à des sanctions financières en cas de non-respect des obligations fixées ».

Mais le délai d’un mois accordé, à la demande de la CGT, aux syndicats pour consulter leur base s’est révélé insuffisant, selon les trois réfractaires. « Nos équipes n’ont pas eu suffisamment de temps pour mener le débat démocratique » sur le protocole, a justifié Gaëlle Martinez, déléguée générale de Solidaires, le 27 novembre. La signature, prévue le 26 novembre, a été repoussée d’une journée, puis de trois jours supplémentaires. En vain, sauf improbable surprise.

« De la politique, et non du syndicalisme »

Les trois syndicats opposés à une signature cette semaine n’ont pas semblé vouloir faire connaître leur position avant la fin des élections professionnelles, soit le 6 décembre. Est-ce une façon d’instrumentaliser le projet d’accord et le bras de fer avec l’exécutif à des fins électorales ? Est-ce le gouvernement qui essaye d’affaiblir les centrales alors que le scrutin a débuté jeudi 29 novembre ? « Ces organisations font de la politique et non du syndicalisme, estime une source proche du dossier. Si elles défendaient réellement les droits des agents, elles signeraient. Mais il est fort possible également que leur base ne soit pas si favorable que ça à la signature de cet accord… En 2018, après #metoo, ça paraîtrait dingue. »

Eux assurent au contraire que l’importance de l’enjeu les incite à ne pas prendre celui-ci « par-dessus la jambe ». « On a vraiment besoin de savoir ce que les agents pensent de cet accord », a plaidé Jean-Marc Canon, secrétaire général de la CGT-Fonction publique, le 27 novembre.

Benoît Floc'h