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Règles budgétaires européennes : les politiques publiques doivent être soutenues !

Publié le 12/06/2023

Les règles budgétaires Européennes évoluent. L'Union Européenne s'apprête à remettre en place ses règles budgétaires gelées depuis 2020. Le retour à l'austérité domine, l'investissement public est en mauvaise posture.

Petit retour sur un passé récent : Des règles budgétaires gelées depuis le printemps 2020

Les règles du Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) sont gelées depuis 2020. La pandémie mondiale, puis le conflit en Ukraine en sont la raison. Les fameuses règles du pacte qui limitent les États à maintenir leur déficit annuel en dessous de 3 % du PIB et leur dette publique à un niveau inférieur ou égal à 60 % de leur PIB, ont été mises de côté jusqu’au 31 décembre 2023.

L’Union européenne, pour sortir de la crise sanitaire, s’est engagée dans une démarche solidaire sans précèdent en recourant même à la création de dette commune pour financer des plans de relance aux États afin qu’ils puissent maintenir leur économie à flot, soutenir leurs systèmes de soins au bord de l’effondrement, et répondre aux difficultés de leurs concitoyens

La réaction commune face à la pandémie, a été bien différente des réponses données à la crise économique de 2008, où l’économie « néolibérale » du pacte qui lie les États entre eux dans une discipline budgétaire afin d’assurer la stabilité des prix et la croissance avait strictement prévalu. Avec, pour conséquence, une décennie de difficultés pour que les États reviennent à un niveau d’avant crise ; retour qui fut plus rapide dans le nord de l’Europe que dans le sud.

Le cas emblématique de la Grèce est resté dans les mémoires, avec des conséquences sociales lourdes, puisqu’elle a dû tailler dans ses dépenses, en particulier en réalisant des coupes dans les prestations sociales, en augmentant la pression fiscale, en s’engageant dans un train de privatisation de services publics (électricité, poste, chemins de fer, ports et aéroports, des hôpitaux, et la bataille syndicale pour éviter la marchandisation de l’eau est encore d’actualité en 2023).  

Près de 200 000 emplois dans l’ensemble de la fonction publique ont disparu (25%) avec un lot de difficultés inhérentes, comme pour la lutte contre les grands incendies de ces dernières années où les pompiers ont manqué cruellement de matériel.  

Certes, comparaison n'est pas raison, et la situation en France n’est pas identique à celle de la Grèce sur de nombreux points, mais c’est ainsi que se traduit généralement l’austérité : Les investissements publics, les budgets publics, et les effectifs de la fonction publique servent de variable principale d’ajustement aux gouvernements pour retrouver les équilibres budgétaires.

 2024 : retour à l’austérité ; la Commission Européenne exige une réduction des dépenses de 45 Milliards !

Des discussions se sont donc engagées pour revisiter les règles du pacte de stabilité. La Commission Européenne (CE) a dévoilé les grandes lignes de ses propositions en novembre dernier. Schématiquement, on ne touche pas aux traités, et les deux règles emblématiques pour l’endettement et le déficit sont conservées, mais un délai plus long sera laissé aux États pour mettre en place une trajectoire afin de revenir dans la cible budgétaire (7 ans au lieu de 4 ans dans certains cas) et avec plus de souplesse sur les voies et moyens à mettre en œuvre pour y parvenir. Le régime de sanctions financières envers les États serait aussi moins onéreux , en cas de manquement, avec l’idée, cette fois, de bel et bien les appliquer.

La pandémie, puis la guerre en Ukraine, ont donc logiquement entrainé, sauf à quelques exceptions, une forte augmentation des déficits budgétaires des États et des ratios d’endettement.

Selon les prévisions de l’automne dernier de la Commission européenne, en 2024, quatre des cinq plus grandes économies (Italie, France, Espagne et Allemagne) devraient avoir des ratios d'endettement public supérieurs à 60 %. Ce sont des États dont les performances pèsent lourdement sur les performances économiques de l'UE et de la zone euro. Six états membres, dont trois des plus grands, devraient même avoir des ratios de dette publique supérieurs à 100 % du PIB (Grèce, Italie, Portugal, Espagne, France, Belgique).

Sommairement, tant pour le déficit annuel que pour l’endettement, environ la moitié des pays ne sont pas dans les fourchettes attendues. Le déficit annuel européen global atteint les 3,2% en moyenne et le ratio d’endettement s’établit à 86,4%.

Le 27 avril dernier, la CE a publié des textes techniques : deux règlements et d’une directive.  

Il faut placer les préoccupations sociales à la hauteur des préoccupations économiques !

Pour la Confédération Européenne des Syndicats (CES), les quelques souplesses et améliorations, y compris les investissements publics contenus dans les propositions de la commission, sont cependant soumises à des limitations importantes.

Le risque subsiste que certains États soient contraints à des économies budgétaires, alors que leurs économies ralentissent ou sont en récession. En réponse à l'exigence du pacte, les États, dont les déficits budgétaires sont supérieurs à 3%, ces derniers sont toujours tenus de les réduire de 0,5% par an, même durant la trajectoire de retour à la norme.

Cela implique que 14 États de l’UE devront réduire leurs dépenses d’au moins 45 milliards d’euros ou lever un montant équivalent par le biais de la fiscalité.

Une étude de l’Institut syndical européen (ETUI), effectuée depuis les annonces précises de la CE, révèle que les montants que les pays seront contraints de déduire de leurs budgets nationaux l'année prochaine permettraient de payer plus de 1 million de postes d’infirmiers ou 1,5 million d’enseignants.

Pour la France, c’est une somme de plus de 13 milliards d’euros qui est exigée, soit l’équivalent du financement de plus de 370 000 postes d’infirmiers ou de près de 500 000 postes d’enseignants.

La CES déplore surtout un manque fondamental, à savoir un traitement spécial pour certains investissements publics. Cela pourrait se traduire sous la forme d’une règle d’or par laquelle l'investissement public serait partiellement ou totalement exclu du calcul des déficits. Une autre option serait d’amortir leurs coûts sur une période plus longue.  

Les investissements publics pour réussir la transition climatique juste, ou encore les investissements dans des infrastructures sociales tout au long de la vie (petite enfance, éducation, accompagnement social vers l’emploi, soins, prises en charge du grand âge…) pourraient entrer dans ce cadre.

Que fait le syndicalisme européen ?

  • Il milite constamment contre l’austérité, et revendique un nouveau modèle qui place les préoccupations sociales à la hauteur des préoccupations économiques où le dialogue social jouera un rôle primordial (aucune amélioration à noter de ce côté, dans les nouvelles dispositions de la CE) ;
  • Il revendique une économie plus juste pour toutes et tous, favorable à la planète ;
  • Il soutient les investissements dans des emplois mieux rémunérés, durables et de qualité, en termes de protections collectives.
  • Il exige la fin des aides publiques sans contreparties sociales.

La CES s’apprête à lancer un mouvement de protestation à l’échelle européenne, qui sera adressé à l’UE et aux gouvernements de chaque pays par leurs signataires respectifs, pour dire non à l’Austérité.