Retour

Échanges tous azimuts entre syndiqués Danois et Français

Publié le 18/10/2023

Le 6 octobre une délégation du FOA, le syndicat de la fonction publique Danois, a été reçu dans les locaux des fédérations CFDT, avenue Simon Bolivar.
Vingt-cinq permanents du Forbundet af Offentligt Ansatte (FOA), syndicat du secteur public, fort de plus de 200 000 membres était en voyage d’études à Paris.

À l’occasion de leur séjour, les représentants avaient un programme dense, comportant notamment un entretien avec le rédacteur en chef de « Charlie Hebdo ». En toile de fond, au Danemark, un projet de loi vise à « interdire de brûler le coran en public ». Début septembre « Charlie Hebdo » et de nombreux médias scandinaves ont lancé un appel contre ce retour du délit de blasphème.

La rencontre dans les locaux CFDT se plaçait dans une perspective moins chargée de drames. Au menu « le régime des fonctionnaires » sachant que les spécificités du statut à la Française les interpellent. Les règles faites à leurs « civil servant » sont bien différentes. « Civil servant » est l’anglicisme commun trouvé en Europe pour désigner les personnels des fonctions publiques, au-delà de conditions statutaires multiples des 27 pays membres.

Un important temps d’échanges a été consacré au dialogue social et à la nouvelle dynamique créée dans les fonctions publiques depuis 2021 avec l’apparition d’une capacité nouvelle à négocier et signer des accords majoritaires dans les trois versants de nos Fonctions Publiques. Pas de quoi déstabiliser nos homologues Danois habitués à signer des conventions collectives sectorielles qu’ils renégocient régulièrement depuis plus d’un siècle mais de quoi susciter des questionnements sur nos pratiques syndicales, et nos règles de démocratie interne.

Cette différence de culture s’illustre aussi dans un paysage syndical fragmenté difficile à comprendre là où le syndicat unique est roi. « Pourquoi voudriez-vous que nous ayons plusieurs syndicats et nous affaiblir de la sorte » glisse un de nos invités ? Philippe Malaisé, secrétaire national de la fédération Interco, s’est attelé à expliquer le paysage syndical Français rappelant qu’il n’est pas toujours simple de faire comprendre aux agents la voie du réformisme et l’intérêt de trouver des compromis responsables.

Un bref échange sur la formation syndicale laisse à entendre que dans l’ensemble les organisations syndicales françaises en seraient moins dispensatrices à leurs adhérents que nos homologues.

La dimension idéologique du syndicalisme français, en particulier dans les syndicats dits protestataires, fait contraste avec le syndicalisme « serviciel » du Danemark où par exemple les syndicats gèrent directement les caisses d’assurances chômages (sans obligation d’adhésion au syndicat pour bénéficier du revenu de remplacement).

Le taux d’adhésion des Danois baisse, passant de 70 à 65% ces dernières années. Une représentante a situé l’inquiétude : « Avant les gens adhéraient presque dès le berceau, c’était naturel, on ne se posait pas de questions, mais chez les jeunes maintenant ce n’est plus pareil… ». Si la modestie s’impose en matière de syndicalisation, il a été souligné que depuis le début de l’année les adhésions CFDT font un bond qui se poursuit malgré l’application de la réforme des retraites. Il a été pointé également le réchauffement du climat intersyndical qui, sans préjugé de l’avenir, constitue une donnée nouvelle.

La protection sociale a suscité l’échange en ce qui concerne la gratuité des soins qui n’existe qu’en cas d’affection de longue durée en France.  Le Danemark est doté d’un régime de protection universelle qui assure une quasi-gratuité sans autre condition que de résider dans le pays. Des explications avaient déjà été données sur la mise en place d’un étage complémentaire en France, et les nouveautés introduites par la signature d’accords majoritaires appelés à se décliner dans les fonctions publiques.

Les questions d’égalité Femme/homme ont été abordées sachant que le différentiel des salaires est tout aussi important dans nos deux pays (légèrement en deçà de 15%). Tout le monde est tombé d’accord sur le fait que la directive « transparence des salaires » publié en mai dernier allait apporter un soutien pour progresser vers l’égalité de fait dans nos deux pays.

La question européenne s’est aussi invitée dans les discussions via un questionnement sur le point de vue français concernant l’attaque en annulation de la directive « salaire minimum » devant la cour de justice européenne. Entrée en vigueur à l’été 22, le Danemark la conteste. Il faut savoir que les syndicalistes du nord de l’Europe se sont opposés de toutes leurs forces à cette directive. Ils n’ont nul besoin de législations pour négocier et toute forme d’obligation légale est vécue comme une ingérence odieuse qui menace leur modèle de relation sociale.

Cela a été l’occasion d’expliquer que la CFDT l’approuvait, dans le sens où la directive permet de couvrir environs 17 millions de salariés en Europe qui sont dépourvus de cette sorte de SMIC et qu’elle oblige les états membres à en renégocier régulièrement le montant. Si en France, la directive est neutre, ses conditions étant déjà remplies, elle a toute son utilité en particulier dans l’Est de l’Europe où le dialogue social est faible voire inexistant.

Si l’union syndicale européenne s’est instaurée principalement autour de la Confédération Européenne des syndicats, elle se construit à l’aune de cultures et de modèles sociaux disparates. Les syndicalismes doivent aussi apprendre à se confronter et à forger leurs propres compromis. C’est dans cette optique constructive que s’est située cette rencontre.

FOA et CFDT ont aussi constaté leur travail commun sur un accord européen pour encadrer la transition numérique par le dialogue social dont notamment les usages de l’IA. Signé en 2022 par la Fédération Syndicale Européenne des Services Publics (FSESP) à laquelle adhèrent le FOA et 4 fédérations CFDT (Finances, INTERCO, PSTE et Santé/Sociaux), il concerne les administrations centrales (ministères pour nous, mais rien n’interdit son application dans les trois versants).

Cet accord attend encore une déclinaison négociée tant au Danemark qu’en France. Pour mémoire Stanislas Guerini a signé l’accord de sa main au nom du gouvernement français et en tant que président du Réseau européen des employeurs des administrations publiques (EUPAE).

La traductrice engagée pour franchir la barrière de la langue n’a pas chômé, et nous la remercions d’avoir largement contribué à la qualité de l’échange.

Rie Villemos qui conduisait la délégation danoise a glissé en toute fin, que le FOA reviendra à Paris à l’occasion du premier mai….