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CDI intérimaire : Fin de la période d’essai

Publié le 12/09/2018

Le CDI Intérimaire (CDII) faisait l’objet d’une expérimentation jusqu’au 31 décembre 2018 suite à la loi Rebsamen d’aout 2015. Il vient d’être pérennisé dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel n° 2018-771 du 5 septembre 2018.

 

  • De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’un contrat particulier, réservé au secteur du travail temporaire, permettant à un salarié d’avoir une relation à durée indéterminée avec une agence de travail temporaire et de réaliser différentes missions pour des entreprises utilisatrices.

Une des particularités est que le salarié bénéficie d’une rémunération au moins égale aux minima conventionnels, et donc supérieur au SMIC dans ce secteur d’activité, pour la période pendant laquelle il n’est pas en mission, période dite d’intermission. Ce contrat offre donc une stabilité au travailleur temporaire et permet de bénéficier des avantages du CDI, notamment pour le logement, ou de bénéficier d’un emprunt.

  • Genèse du dispositif

Initialement, ce contrat a été institué par un accord collectif de branche en 2013, signé notamment par la CFDT (1).

Cet accord de branche a été impulsé par l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 relatif à la sécurisation de l’emploi. Celui-ci avait prévu une surcotisation pour les CDD de courte durée, laquelle aurait pu engendrer, pour le secteur de l’intérim, un « coût » de 320 millions d’euros. Pour y échapper, l’ANI prévoyait que la branche devait conclure dans un délai de 6 mois un accord « approfondissant la sécurisation des parcours professionnels de cette catégorie de salariés par la mise en place d’un contrat de travail à durée indéterminée ».

La négociation a donc bien eu lieu, et la CFDT (2) a considéré que les objectifs qu’elle s’était fixés étaient réunis à savoir :

 -        ne pas faire supporter le poids des intermissions sur l’assurance chômage et sur les individus ;

-        responsabiliser les agences de travail temporaire sur ces périodes d’inactivé entre deux missions ;

-        mettre en place une dynamique réelle d’amélioration de l’employabilité des intérimaires et sécuriser leur parcours ;

-        favoriser la fidélisation des intérimaires plutôt qu’un turn-over excessif ;

-        offrir un cadre qui permette aux salariés de s’exprimer sans voir leur mission s’arrêter dans la foulée.

  •  Du conventionnel à l’expérimental 

La loi Rebsamen a ouvert une période permettant d’expérimenter le CDII. Mais elle n’a pas traduit fidèlement certains points de l’accord de branche et non des moindres.

La loi en a notamment profité pour faire passer la durée maximale de la mission au sein de l’entreprise utilisatrice à 36 mois (au lieu du principe de 18 mois pour les contrats de mission) et supprimer les périodes de carence entre deux missions.

Toutefois il faut noter que l’adoption de la loi a permis à ce dispositif de se développer pour atteindre 25 000 contrats.

  • De l’expérimental au définitif

 La loi « Avenir professionnel » a tout simplement repris le dispositif issu de la loi Rebsamen, tout en tenant compte des ordonnances Macron, qui ont offert la faculté aux branches de négocier la qualité de l’emploi concernant notamment la durée des contrats de mission ou la période de carence.

La loi « Avenir professionnel » en profite pour indiquer que les contrats conclus sur le fondement de l’accord collectif de 2013, à savoir entre le 6 mars 2014 et le 19 aout 2015, sont présumés conformes à la loi Rebsamen sans préjudice des décisions de justice qui aurait pu avoir lieu entre temps.

  • Retour sur le contentieux relatif à la contestation de l’arrêté d’extension de l’accord de branche

Pour comprendre cette formule obscure contenue dans la loi Avenir professionnel, il est important de savoir que la Cour de cassation a eu à connaître de l’accord de branche étendu de 2013, suite à la transmission d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat (CE),  saisi par FO d’une demande d’annulation de l’arrêté d’extension.

FO avait contesté l’arrêté d’extension du 22 février 2014. Le conseil d’Etat, dans sa décision du 8 juillet 2015, a renvoyé les parties devant le TGI sur le point de savoir si les partenaires sociaux avaient compétence pour créer le CDI intérimaire.

Le TGI de Paris a débouté FO[3] en considèrant que les partenaires sociaux avaient bien compétence pour conclure l’accord litigieux et que dans tous les cas, le dispositif de CDII était plus favorable que le contrat de mission.

Seulement, dans sa décision du 12 juillet 2018, la Cour de cassation casse la décision du TGI. Elle considère que les partenaires sociaux ont créé une nouvelle catégorie de contrat dérogeant aux règles d’ordre public absolus qui régissent le CDI d’une part et le contrat de mission d’autre part.

Le conseil d’Etat dispose maintenant des éléments pour trancher la validité de l’arrêté d’extension, et devrait logiquement l’annuler.

  • Des questions qui restent en suspens

Si la loi Avenir professionnel permet de lever les craintes sur la validité des contrats conclus avant l’expérimentation de la loi Rebsamen, la CFDT relève une insécurité pour le fonds de sécurisation des parcours intérimaires créé dans le même accord. Ce fonds est dédié à l’accompagnement, au suivi, à la formation et à l’investissement permettant de lever les freins périphériques à l’emploi de 80 000 intérimaires par an.

En cas d’annulation de l’arrêté d’extension, cela risquerait de remettre en cause l’ensemble de l’accord, ce qui n’est à l’évidence pas souhaitable au regard des objectifs poursuivis.

La CFDT est bien entendue présente dans le cadre de ce contentieux avec pour objectif d’obtenir notamment  une modulation des effets dans le temps de la décision à venir afin de permettre la pérennisation du fonds.

N’oublions pas, par ailleurs, que la question de la surcotisation (bonus-malus), à l’origine de la création du CDII, revient dans le débat à l’occasion de la réforme de l’assurance chômage, sur laquelle la CFDT est fortement mobilisée.

 



(1) Accord relatif à la sécurisation des parcours professionnels des salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire du 10.07.13.

(2) C’est la Fédération des services CFDT qui est compétente pour le secteur du travail temporaire.

(3) Par jugement en date du 15.11.16.