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Astreintes : rester à son domicile n’est pas nécessaire

Publié le 12/09/2018

Depuis la loi Travail de 2016, les textes n’imposent plus de rester à son domicile ni à proximité pour être considéré en astreinte. Dans un arrêt du 12 juillet 2018, la Cour de cassation applique cette règle à des faits remontant à 2009. Elle juge qu’un salarié est en astreinte s’il a l’obligation de rester disponible en permanence avec son portable allumé pour répondre à d’éventuels besoins et de se tenir prêt à intervenir en cas de besoin. Cass. soc. 12.07.18, n°13-13029.

  • Faits et procédure

Dans cette affaire, l’employeur avait mis en place une « procédure de gestion des appels d’urgence » en vertu de laquelle les coordonnées téléphoniques des directeurs d’agence étaient communiquées à une société en charge des appels d’urgence. En cas d’appel, les directeurs d’agence étaient dans l'obligation de prendre les mesures adéquates. Le salarié, occupant les fonctions de chef d'agence, devait en permanence laisser son téléphone portable allumé pour répondre aux sollicitations de ses subordonnés ou clients.

Licencié, il a saisi le conseil de prud’hommes demandant notamment un rappel d’indemnité d’astreinte. La cour d’appel fait droit à sa demande et condamne la société à lui verser la somme de 60 868 euros à ce titre. Selon les juges du fond, la procédure mise en place par la société en dehors de heures et jours de travail relevait bien du régime de l’astreinte.

  • Pas de permanence téléphonique à domicile donc pas d’astreinte ?

C’est dans ces conditions que l’employeur s’est pourvu en cassation. Selon lui, le salarié ne pouvait pas être considéré comme étant soumis à des astreintes dès lors qu’il n’était pas dans l'obligation de tenir une permanence téléphonique à son domicile ni à proximité. Il s’appuie d’abord sur la convention collective applicable à l’entreprise selon laquelle l'astreinte est prévue dans le cas où un salarié doit assurer une permanence téléphonique à son domicile. Il invoque ensuite le Code du travail dans sa rédaction applicable au litige (antérieure à la loi Travail).

La législation applicable à l’époque des faits prévoyait qu’était en astreinte le salarié qui, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, avait l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise (1).

Depuis 2016, la loi ne fait plus référence au domicile du salarié. Ce dernier sera en astreinte si, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, il doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise (2).

  • Devoir se tenir disponible en permanence et prêt à intervenir suffit à caractériser l’astreinte

Pour rappel, les faits remontent à 2009, soit avant l’abandon par la loi de la référence au domicile du salarié pour qualifier l’astreinte.

La Cour de cassation devait répondre à la question suivante : un salarié doit-il être soumis à l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité pour être considéré en astreinte et bénéficier ainsi des contreparties financières ?

La Cour de cassation répond à la question par la négative. Elle affirme que doit être payée une astreinte consistant pour un salarié : « sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, le fait d’avoir l’obligation de rester en permanence disponible avec son téléphone portable pour répondre à d’éventuels besoins et se tenir prêt à intervenir en cas de besoin ».

Ce faisant, la chambre sociale confirme sa jurisprudence constante depuis 2002 (3). Elle écarte aussi le doute suscité par deux arrêts récents (4) dans lesquels elle écartait la qualification d’astreinte pour des faits antérieurs à la loi Travail, où le salarié pouvait être contacté en dehors de ses heures de travail sur la totalité des jours de la semaine. Toutefois, dans ces affaires, aucune procédure formelle n’était matérialisée.

La position de la Haute juridiction est appréciable, dans la mesure où elle s’adapte au développement des nouvelles technologies générant de nouvelles exigences pour les salariés.



(1) Art L.3121-5 C.trav.

(2) Art L.3121-9 C.trav.

(3) Cass.soc. 10.07.02, n°00-18452.

(4) Cass.soc. 25.01.17, n°15-26235 et 17.05.18, n°16-21182.