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Apprentissage : la durée de la période d’essai peut varier

Publié le 22/11/2017

A l’heure où la concertation entre les partenaires sociaux est lancée sur la réforme de l’apprentissage, la Cour de cassation publie un arrêt rappelant les règles spécifiques au contrat d’apprentissage, et plus précisément celles relatives à la période d’essai. Lorsque, après la rupture d'un premier contrat d'apprentissage, un second contrat est conclu pour permettre à l'apprenti d'achever sa formation, la période d'essai de ce contrat relève des dispositions de droit commun et non de celles prévues spécifiquement pour les apprentis. Cass.soc.25.10.17, n°16-19.608.

  • Rappel des règles spécifiques au contrat d’apprentissage et à la période d’essai

L’apprentissage repose sur le principe de l’alternance entre enseignement théorique en centre de formation d’apprentis (CFA) ou en établissement de formation et enseignement du métier chez l’employeur avec lequel l’apprenti a signé son contrat. Il s’agit d’un contrat d’apprentissage à durée indéterminée ou à durée déterminée.

Selon l’article L.6222-18 du Code du travail, le contrat d’apprentissage peut uniquement être rompu par l’une ou l’autre des parties (par écrit) jusqu'à l'échéance des 45 jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti. Aucune indemnité ne peut alors être réclamée, sauf stipulations contraires dans le contrat.

Cette période d’essai spécifique au contrat d’apprentissage a été récemment modifiée par la loi Rebsamen (1), elle était précédemment de « 2 mois consécutifs ». Le nouveau mode de calcul prend désormais en compte uniquement le temps passé par l’apprenti dans l’entreprise et écarte le temps passé dans le centre de formation. Pour les contrats conclus avant l’entrée en application de cette loi (comme c’est le cas dans notre affaire),  la durée de la période d’essai est toujours de 2 mois consécutifs.

Au-delà de cette période d’essai, la rupture peut  : 
-      se faire d’un commun accord ;
-      n'être prononcée que par le Conseil des prud’hommes en la forme des référés (pour faute grave, manquements répétés, inaptitude de l’apprenti) ;
-      être anticipée dans le cas où l’apprenti a obtenu son diplôme.

Le Code du travail précise que la période d’essai ne s’applique pas dans un cas bien précis : lorsque, après la rupture d'un premier contrat d'apprentissage, un nouveau contrat du même type est conclu entre l'apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation. C’est alors la période d’essai de droit commun (prévue pour les CDD ou les CDI) qui s’applique (2). C’est de ce cas de figure dont il est question dans notre arrêt.

  • Faits, procédure

Dans cette affaire, un apprenti boulanger a été engagé le 1er septembre 2013 pendant 8 mois. Son contrat est rompu d’un commun accord. Afin de poursuivre sa formation, le 25 juillet 2014, il est embauché en contrat d’apprentissage par un nouvel employeur. 1 mois 1/2  après, l’employeur lui propose une rupture de son contrat (avec effet le lendemain) que l’apprenti refuse. L’employeur saisit alors la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage pour faute grave.

Les juges du fond suivis par la Cour de cassation donnent tort à l’employeur en lui imputant la rupture du contrat et le condamnant en conséquence à payer les rappels de salaire, heures supplémentaires et dommages et intérêts à l’apprenti. 

  • En cas de contrats d’apprentissage successifs, la période d’essai de droit commun s’applique

La Cour de cassation applique tout bonnement l’article L.6222-18 du Code du travail, sans renvoyer l’affaire devant les juges du fond : «  la rupture du contrat d'apprentissage par l'une ou l'autre des parties au cours des deux premiers mois n'est pas applicable quand, après la rupture d'un contrat d'apprentissage, un nouveau contrat est conclu entre l'apprenti et un nouvel employeur pour achever la formation, seule pouvant être prévue dans cette hypothèse une période d'essai dans les conditions prévues à l'article L.1242-10 du même code auquel renvoie le dernier alinéa de l'article L. 6222-18 (…) ».

Dans cette affaire, en appliquant les dispositions de droit commun (prévues pour un CDD de plus 6 mois), la période d’essai devait expirer 1 mois après le début du contrat, soit le 25 août 2014. La rupture du contrat ayant eu lieu le 5 septembre 2014, le contrat ne pouvait être rompu unilatéralement par l’employeur (mode de rupture possible uniquement avant l’expiration de la période d’essai).

  • Sanctions pour l’employeur en cas de rupture unilatérale hors période d’essai

Il est de principe que la rupture unilatérale par l'employeur d'un contrat d'apprentissage exécuté pendant plus de 2 mois (désormais 45 jours consécutifs ou non) est d'une part irrégulière en la forme et d'autre part abusive. Elle doit en conséquence donner lieu au paiement du montant des salaires que l’apprenti aurait perçus si son contrat avait été exécuté jusqu'à son terme (3). En l’espèce, l’employeur a été également condamné à payer des heures supplémentaires et dommages et intérêts à son apprenti.

Pour la CFDT, la non-application, dans ce cas de figure, d’une seconde période d’essai spécifique à l’apprentissage est en somme logique et plus sécurisante pour l’apprenti. Cette période d’essai a en effet vocation à être plus longue que celle prévue par le droit commun.

L’article L.6222-16 du Code du travail prévoit que « Si le contrat d'apprentissage est suivi de la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée, d'un contrat à durée déterminée ou d'un contrat de travail temporaire dans la même entreprise, aucune période d'essai ne peut être imposée, sauf dispositions conventionnelles contraires. La durée du contrat d'apprentissage est prise en compte pour le calcul de la rémunération et l'ancienneté du salarié ».

(1) Loi n°2015-994 du 17.08.15.
(2) Art. L.1221-19 (pour les CDI) et L.1242-10 (pour les CDD).
(3) Voir Cass.soc.13.10.88, n°86-41.919.