Retour

Contrat de travail : peut-il être conclu à votre insu ?

Publié le 11/10/2017

Peut-on se retrouver lié par un contrat de travail sans le vouloir ? Parfois, les circonstances sont telles qu’un employeur peut se retrouver engagé à son insu parce que le salarié pouvait légitimement croire qu’il l’était... La Cour de cassation vient en effet de faire une application de la théorie de l’apparence à la formation du contrat de travail. cass.soc.27.09.17, n°15-15320.

  • Faits, procédure et prétentions

Un maître-nageur, qui exerçait ses fonctions suivant un accord verbal depuis janvier 2007, a cru sa situation régularisée lorsque, en juillet de la même année, le représentant à Mayotte de l’association pour laquelle il travaillait lui a proposé un contrat de travail, prétendant agir en qualité de directeur de l’antenne locale de cette association.

Et pourtant, il n’existait aucune antenne locale de cette association, dont le siège social était à Paris.

Aussi, lorsque le salarié a saisi le conseil de prud’hommes en paiement de sommes relatives à la rupture de son contrat de travail, l’association a-t-elle prétendu ne pas être liée par ce contrat, à défaut d’entité juridique située à Mayotte habilitée à contracter en son nom.

En appel, les juges ont accueilli l’argumentation de cette association et rejeté la demande du salarié au motif de l’inexistence juridique du contrat de travail.

Toutefois, fort de sa conviction, le salarié a décidé de former un pourvoi et de se prévaloir de sa croyance légitime en l’existence d’un mandat.

 

  • Application classique de la théorie de l’apparence au contrat de travail

Devant la Cour de cassation, le salarié a fait valoir que les circonstances l’ont légitimement conduit à croire que le signataire, désigné dans le contrat comme le directeur du service régional, agissait en qualité de mandataire de l’association, compte tenu, notamment, de ses liens avec le vice-rectorat.

La Haute juridiction lui a donné raison et a censuré les juges du fond au visa de l’article 1998 du Code civil, qui traite des obligations du mandant : « Le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n’est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu’autant qu’il l’a ratifié expressément ou tacitement ».

Selon la Cour de cassation, les juges du fond  n’ont pas vérifié, comme il leur était demandé, que le salarié pouvait bien se prévaloir de circonstances particulières le conduisant légitimement à croire en l’existence d’un mandat, et donc en la qualité de son interlocuteur, pour contracter pour le compte de l’association.

Cette solution n’est pas surprenante : elle constitue une application de la théorie jurisprudentielle du mandat apparent.

En effet, depuis une décision d’assemblée plénière datant de 1962, la Haute juridiction décide que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence de faute de sa part, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime. Ce qui est le cas lorsque les circonstances autorisent le tiers à ne pas vérifier les limites exactes du pouvoir du mandataire (1).

Cette théorie du mandat apparent a d’ailleurs déjà été appliquée à la conclusion d’un contrat de travail par le passé (2). Et il y a peu de chances pour que cela évolue, puisque les dispositions du Code civil portant sur les obligations du mandant n’ont pas été modifiées lors de la récente réforme du droit des obligations.

L’hypothèse reste néanmoins rare car les circonstances doivent vraiment être particulièrement troublantes. En l’espèce, on peut relever par exemple qu’un compte bancaire avait été ouvert au nom de cette prétendue entité et que celle-ci percevait même des subventions. Tout, ou presque, portait donc à croire à l’existence d’une antenne locale...

Par ailleurs, si l’application de la théorie du mandat apparent à un employeur peut se comprendre, cela paraîtrait plus difficile d’en faire une application au salarié qui, habituellement, n’est pas représenté (sauf cas très particuliers d’incapables majeurs).

(1)   Cass.ass.plén.13.12.62.

(2)   Cass.soc.15.06.99, Bull.civ., V, n°282.