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Discriminations : deux nouveaux testing dans la Fonction publique

Publié le 11/07/2018

Le professeur L’Horty a présenté la deuxième campagne de testing sur les discriminations à l’embauche dans la Fonction publique (origine, lieu de résidence, orientation sexuelle...) suivi d’un testing sur les discriminations liées au handicap dans le privé et le public. L’administration de la Fonction publique a présenté le calendrier d’élaboration du rapport biennal sur « la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diversité » pour une parution prévue début 2019 ainsi que le dispositif d’organisation dans la Fonction publique du stage de fin 2018 pour au moins 15 000 collégiens de 3ème issus de quartiers prioritaires.

Le rapport L’Horty de 2016 sur les discriminations à l’embauche dans la Fonction publique

Yannick L’Horty, professeur à l’Université Paris‐Est Marne‐La‐Vallée, a réalisé pour la Fonction publique une étude sur « Les discriminations dans l’accès à l’emploi public » présenté au Conseil commun de la Fonction publique (CCFP) le 12 septembre 2016. Il s’agit de la première évaluation des risques discriminatoires dans le recrutement public en France alors que cela se pratique dans d’autres pays – États-Unis, Canada, Espagne, Pays-Bas – ainsi que dans le secteur privé depuis de nombreuses années.

L’un des principaux enseignements de cette enquête est que « Le concours ne préserve jamais totalement du risque de discrimination, même si, à l’évidence, il le réduit relativement à un recrutement sans concours ».

L’enquête s’effectue pour les recrutements par concours par l’exploitation des données des candidats recueillies à l’occasion de l’inscription à ces concours, pour les recrutements sans concours par des campagnes de testing - ou « test de discrimination » -  qui consistent à envoyer des courriels d’embauche émanant de candidats fictifs semblables en tous points, sauf sur une caractéristique dont on veut mesurer l’effet, en réponse à de vraies offres d’emploi.

En exploitant les bases de concours dans la fonction publique d’État, l’enquête montre que les femmes, les personnes nées hors de France métropolitaine ou encore celles qui résident dans une ville avec une forte emprise de ZUS, ont moins de chances de réussir les écrits puis les oraux de nombreux concours, tandis qu’à l’inverse les chances de succès sont plus élevées toutes choses égales par ailleurs pour les personnes qui habitent Paris et celles qui vivent en couple.

S’agissant des recrutements sans concours, enquête basée sur les résultats d’une opération de testing réalisée en 2016, le rapport L’Horty estime que « le privé fait mieux que le public, tantôt l’inverse ».

Au total, le rapport considère que, de façon globale, les actions pour l’égalité déployées par plusieurs ministères de la Fonction publique d’État ont fait reculer les discriminations. Il plaide pour la mise en œuvre d’actions analogues dans l’ensemble des établissements publics.

Yannick L’Horty, en conclusion, recommande la mise en place d’un outil de suivi de l’égalité d’accès à l’emploi public et du risque discriminatoire et un outil de mesure des actions mises en œuvre en faveur de l’égalité.

Plusieurs recommandations de ce rapport ont été suivies comme la mise en place de la base concours (décret n° 2018-114 du 16 février 2018) qui ne sera exploitable qu’en 2021.

Testing sur l’origine, le sexe, le lieu d’habitation et l’orientation sexuelle (2017-2018)

Le professeur L’Horty a présenté la deuxième campagne de testing deux ans après (voir § précédent) en ajoutant un nouveau critère de discrimination, l’orientation sexuelle. Dans le courriel envoyé par le candidat, ce critère est suggéré à travers une activité extraprofessionnelle comme sa participation à l’organisation des Gay Games. Le testing porte, pour le privé sur des emplois en CDD et en CDI et pour le public sur trois professions ciblées :

  • Responsable administratif, catégorie A
  • Technicien de maintenance, catégorie B
  • Aide-soignant, catégorie C.

Il s’agit d’emplois de contractuel dans les trois versants de la Fonction publique (État, Territoriale et Hospitalière), d’emplois de titulaire dans une collectivité territoriale pour les responsables administratifs (réussite au concours d’attaché territorial en 2016).

L’enquête ne fait pas ressortir de différences significatives dans les réponses des employeurs publics et privés, mais des indicateurs indirects signalent une différence dans le temps de réponse (plus long pour les candidats homosexuels). Le testing ne met pas en évidence de discrimination à l’embauche significative à l’encontre des candidats, femmes ou hommes, signalant son orientation sexuelle à l’embauche.

Par rapport au précédent testing, les discriminations selon l’origine et le lieu de résidence se réduisent. Pour le professeur L’Horty, cela pourrait provenir à la fois du mouvement général qui est lié à la reprise de l’emploi, les employeurs étant moins sélectifs, et de l’action publique sur la prévention des discriminations.

Yannick L’Horty a enfin encouragé la Fonction publique à poursuivre ce type d’étude. La CFDT comme l’ensemble des autres organisations présentes, s’est dite favorable à continuer ce type d’enquête.

En réponse aux questions des membres de la formation spécialisée, Yannick L’Horty a précisé, qu’à sa connaissance, il n’était pas possible de comparer les concours avec les autres modes de recrutement, que si le concours, à l’évidence, protège, il doit être accompagné d’autres actions complémentaires pour limiter les risques de discriminations. Ainsi, par exemple, une étude espagnole sur les concours montre qu’un jury mixte n’est pas forcément favorable aux femmes...

À la question de savoir s’il existe des discriminations envers des personnes issues d’autres pays, le professeur L’Horty cite l’exemple d’enquêtes portant sur le métier d’informaticien dans le privé : les personnes d’origine asiatique sont plus avantagées, et, globalement, les hommes sont préférés aux femmes.

Les critères de discrimination : sur le site du Défenseur des Droits.

Testing sur le handicap dans les établissements culturels

Louise-Philomène Mbaye, doctorante, a présenté un testing pour mesurer la discrimination dans l’accès à l’emploi à l’égard des personnes en situation de handicap dans les établissements culturels privés et publics.

Le métier visé est agent d’accueil (agents de niveau C) présent dans le public comme dans le privé. Trois types de candidates fictives ont été retenus : une d’origine française, une d’origine africaine, une d’origine française avec un handicap.

L’origine est repérée dans les courriels de demande d’emploi par le prénom et le nom, le handicap par la formule : « je vous précise que j’ai la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH) et que je suis en fauteuil roulant ».

Le taux de réponses positives est plus faible pour la candidate avec un handicap (16,69 % de chance en moins). En revanche, il n’est pas constaté de différence entre les demandes comportant des nom et prénom d’origine africaine ou française sans handicap.

La discrimination est plus importante dans le secteur privé que dans la Fonction publique : 24,17 % de chance en moins dans le privé contre 14,29 % dans la fonction publique. La discrimination est renforcée par le non-respect des normes d’accessibilité des établissements des employeurs (47,82 % de chance en moins dans les établissements non accessibles aux personnes à mobilité réduite).

Publication du prochain rapport

La Direction générale de la Fonction publique (DGAFP) a présenté le calendrier pour permettre la publication du prochain « rapport biennal sur la lutte contre les discriminations et la prise en compte de la diversité de la société française dans la Fonction publique de l'État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière » (article 158 de la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017) :

  • Avril-septembre 2018 : élaboration d’un sommaire et sollicitation des employeurs publics des trois versants
  • 4 juillet 2018 : présentation du projet de sommaire du rapport en formation spécialisée du CCFP (FS3)
  • Juillet-octobre 2018 : élaboration du rapport
  • Avant fin 2018 : présentation de la version projet du rapport en FS3 du CCFP
  • 1er trimestre 2019 : parution du rapport.

Les 3èmes issus des quartiers difficiles dans les ministères !

La DGAFP met en œuvre la décision présidentielle de permettre à 15 000 collégiens de 3ème issus des quartiers difficiles (REP et REP +) d’effectuer leur stage pour la fin de l’année 2018 dans les administrations. En Ile-de-France, afin d’éviter le recours à des services publics proches de ces quartiers difficiles, le plus souvent situés dans les départements autour de Paris, qui n’ont pas la capacité de les accueillir tous, la DGAFP envisage de solliciter les ministères et leurs administrations centrales.

Une circulaire est à paraitre prochainement.