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La haute fonction publique n’atteint pas les objectifs légaux de parité

Publié le 04/03/2019

L’objectif de 40 % de primonominations de femmes à des postes à responsabilité n’a pas été atteint en 2017 et 21 employeurs de l’État et de la territoriale se sont acquittés d’une pénalité financière pour un montant total de 4,5 millions d’euros. Seule la fonction publique hospitalière dépasse l’objectif et atteint presque la parité sur ses emplois d’encadrement supérieur et dirigeant.

Acteurs publics, 28 février 2019 par Bastien Scordia

L’État ne respecte pas les objectifs que lui a fixé la loi en matière de féminisation des emplois de la haute fonction publique. Selon le bilan du dispositif des nominations équilibrées réalisé par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP), seuls 36 % des 1 039 agents nouvellement nommés en 2017 dans les emplois de l’encadrement supérieur et dirigeant étaient des femmes. Un taux donc inférieur à l’objectif légal de 40 %, fixé pour l’année 2017 par la loi du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet, du nom de l’ancien ministre de la Fonction publique François Sauvadet, et adoptée à la toute fin du quinquennat Sarkozy. 

C’est la première fois depuis la mise en place du dispositif des nominations équilibrées que les objectifs ne sont pas atteints. Pour rappel, ce dispositif repose sur une montée en charge progressive, à savoir un taux minimal de “primonominations” de personnes de chaque sexe de 20 % pour les années 2013 et 2014, de 30 % pour les années 2015 et 2016 et donc de 40 % à partir de l’année 2017. Au total, le taux de primonominations féminines avait atteint 32 % en 2013, 33 % en 2014, 34 % en 2015 et 35 % en 2016.

En stock, la proportion de femmes en fonction dans les emplois concernés par le dispositif atteignait 30 % en 2017 (1 770 femmes sur un total de 5 933 agents). Soit une hausse de 2 points par rapport à 2016.

49 % de femmes primonommées dans l’hospitalière

Pour l’année 2017, de nombreuses disparités sont néanmoins à observer selon le versant de la fonction publique considéré. Seule la fonction publique hospitalière dépasse en effet l’objectif de 40 % de primonominations féminines et atteint presque la parité sur ses emplois d’encadrement supérieur et dirigeant. Sur les agents nouvellement nommés sur ces postes en 2017 (74 au total), 49 % étaient des femmes. En comparaison avec 2016, ce taux est en hausse de 11 points.

Dans la fonction publique d’État et dans la territoriale, en revanche, le taux de primonominations féminines est inférieur aux objectifs et atteint respectivement 36 % (+ 3 points par rapport à 2016) et 34 % (- 1 point). Dans le détail, sur les 587 agents nouvellement nommés en 2017 à l’État sur des emplois d’encadrement supérieur ou dirigeant, 211 étaient des femmes contre 376 hommes. Du côté de la territoriale, 127 des agents nouvellement nommés sur ces mêmes emplois étaient des femmes (sur un total de 378 agents).

Pénalité totale de 4,5 millions d’euros

Bilan de ce non-respect des objectifs : l’augmentation du nombre d’employeurs publics soumis au versement d’une pénalité financière. Une pénalité fixée à 90 000 euros par unité manquante contre 60 000 euros en 2015 et 2016 et 30 000 euros en 2013 et 2014. Alors qu’en 2016, 2 ministères et 3 collectivités avaient été sanctionnés financièrement (pour un montant total de 420 000 euros), 4 départements ministériels et 17 collectivités se sont acquittés en 2017 d’une pénalité financière. Le montant global de cette pénalité s’est élevé à 4 500 000 euros (2 340 000 pour les ministères et 2 160 000 pour les collectivités).

Dans le détail, ce sont les ministères économiques et financiers qui ont dû s’acquitter de la plus grosse amende, en l’occurrence 1,71 million d’euros, puisque 19 unités y étaient manquantes. Suivent ensuite le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, avec une pénalité de 450 000 euros (5 unités manquantes), le ministère des Armées avec 90 000 euros (1 unité manquante) et le ministère de l’Intérieur (1 unité manquante).

À noter par ailleurs que deux autres ministères (la Culture et la Justice) ont été exemptés de cette pénalité malgré le non-respect des objectifs. Il leur manquait en effet respectivement 0,8 et 0,6 primonomination féminine pour atteindre le taux fixé par la loi, mais en raison de l’arrondi à l’unité inférieure, aucune amende ne leur a été réclamée.

Quant à la territoriale, la région Guadeloupe, le département de l’Eure, les villes de Nice, Lille et Saint-Paul (La Réunion) ont tous été sanctionnés d’une amende de 90 000 euros (une unité manquante respectivement). Enfin, 17 établissements publics de coopération intercommunale se sont aussi vu infliger une pénalité financière.

“Défaut d’anticipation” et “absence de vivier”

Selon le bilan de la DGAFP, deux facteurs “peuvent expliquer” le non-respect des objectifs dans la fonction publique d’État et dans la territoriale : “un défaut d’anticipation du passage de l’objectif annuel de primonomination de 30 % à 40 % à compter du 1er janvier 2017” et “l’absence de vivier féminin de certains emplois” entrant dans le champ du dispositif de nominations équilibrées.

L’occasion pour la direction d’appeler les employeurs de ces deux versants à “rester vigilants” et à “poursuivre et amplifier les actions engagées afin d’atteindre l’objectif légal de primo-nominations, notamment au travers de la constitution et/ou la consolidation de viviers féminins sur le long terme”. La DGAFP appelle aussi l’attention des employeurs sur la “la forte féminisation” observée dans la fonction publique hospitalière. Et de rappeler que la pénalité financière peut aussi être appliquée dans le cas où le taux d’hommes primonommés serait inférieur au seuil de 40 %.

Coup de pression de Marlène Schiappa sur ses collègues ministres
Comme l’a révélé Libération, la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a adressé, la semaine dernière, un courrier à ses collègues ministres pour les exhorter à nommer plus de femmes sur les emplois à haute responsabilité. “Nous avons un problème, dit-elle. Les femmes représentent 52 % de la population française et seulement 33 % des nominations en Conseil des ministres”. L’occasion pour Marlène Schiappa de les appeler à “nommer des femmes” et à “créer des viviers de femmes dans les plans d’évolution et de carrières” de leurs administrations. Surtout, elle leur a rappelé que leurs administrations s’exposent à des sanctions en cas de non-respect des quotas.