Retraites : La CFDT Fonctions publiques a rencontré Olivier Dussopt

Publié le 10/03/2020

La CFDT continue d’estimer que le projet de loi Retraites ne répond pas aux enjeux de justice sociale, malgré l’intégration d’un certain nombre d’amendements. Pour autant, nous avons bien noté que le Gouvernement peut encore amender le texte en seconde lecture, le Premier ministre s’y est d’ailleurs engagé dans son courrier aux partenaires sociaux.

C’est dans ce cadre que la CFDT Fonctions publiques a souhaité rencontrer le secrétaire d’État Olivier Dussopt afin de lui présenter les revendications que nous continuons de porter pour les agents de la Fonction publique.

En introduction, la délégation a abordé deux questions d’actualité :

■   D’abord pour regretter le délai de publication d’un certain nombre de textes relatifs à l’égalité professionnelle, particulièrement le décret sur les plans d’action.

Réponse : les textes ont été transmis au Conseil d’État qui a son programme de travail sur lequel le gouvernement n’a pas de prise.

■   COVID19 : le dispositif sur le jour de carence est illisible. L’exemption du jour de carence en cas de confinement et non en cas de maladie déclarée est compréhensible techniquement. Mais pour la CFDT, mieux vaudrait une mesure exceptionnelle d’exemption, y compris en cas de maladie. Autre constat qui passe mal : le traitement systématiquement décalé dans les annonces gouvernementales, comme si les fonctionnaires n’étaient pas la préoccupation du gouvernement.

Réponse : le recours aux autorisations spéciales d’absence est plus favorable que la seule exemption du jour de carence soumise à un certificat d’un médecin de la Sécurité sociale (et non à un certificat du médecin traitant). Mais l’alerte a bien été notée ainsi que les inquiétudes sur le fonctionnement de l’ensemble des services ayant à accueillir du public.

Sur les Retraites

Sur les amendements déjà intégrés au projet de loi, il reste un certain nombre de motifs d’insatisfaction sur lesquels la CFDT continue d’attendre des améliorations.

  • Notre mécontentement persiste sur la pénibilité, les critères pris en compte et la réparation. Il manque toujours un dispositif de reconnaissance de la pénibilité couvrant les risques posturaux et chimiques pour compenser la disparition des catégories actives avec l’ouverture de nouveaux droits avec un départ anticipé à la retraite sans décote. Et la CFDT ne voit toujours pas de reconnaissance de la poly-exposition aux facteurs de pénibilité.
  • Il n’y a pas d’engagement à compenser les pertes de pouvoir d’achat liées à l’augmentation des cotisations sur les primes. Et surtout, il n’existe -à ce jour- aucun engagement en faveur des personnels peu ou pas primés. Ils ne bénéficieront ni de la mesure sur les cotisations (montée en charge très progressive compensée par l’employeur), ni d’une mesure sur leur part indemnitaire. 
  • Un état des lieux statistique précis mériterait d’être porté à la connaissance des organisations syndicales et du public, évitant ainsi toutes les supputations et projections erronées.
  • Sur la retraite progressive : c’est une avancée pour les agents de la Fonction publique, mais le critère des 160 trimestres est une réelle déception et introduit encore une fois une différence entre secteur privé et fonction publique, et encore une fois au détriment de la FP (comme cela avait déjà été le cas sur un certain nombre de points dans la loi TFP, particulièrement sur contrat de projet).
  • Sur le cumul emploi-retraite qui permettra d’améliorer les pensions, la CFDT serait favorable à un plafond pour limiter les effets d’aubaine pour les plus hauts revenus et dans un souci de redistributivité.
  • L’ouverture de la discussion sur le compte épargne temps universel doit être précisée : quand, quels sont les délais pour aboutir,... Le gouvernement doit s’engager plus concrètement.

Et il reste aussi des points d’exigence à traiter : 

  • Sur les transitions, une population est complètement oubliée des dispositifs prévus : il s’agit des polypensionnés. Nombreux dans la Fonction publique, et peut-être encore plus dans la FPT qu’ailleurs, ils ne peuvent être pénalisés par le passage d’un régime à l’autre alors même que l’ambition de la réforme est de tenir compte des parcours de plus en plus diversifiés.
  • Une « clause de sauvegarde » garantissant pour les fonctionnaires qui ont peu ou pas de primes, qu’il n’y aura pas de baisse de pension avec le passage au nouveau système.
  • Et enfin, l’engagement du gouvernement sur l’ouverture de négociations sur les rémunérations de l’ensemble des fonctionnaires. Les éléments sur les rémunérations des enseignants et enseignants-chercheurs excluent près de 80% des effectifs. C’est inacceptable. Ces éléments sont d’ailleurs à ce point parcellaires, que rien n’est prévu pour des personnels enseignants qui exercent ailleurs qu’à l’éducation nationale : enseignement agricole public et privé, écoles d’art, etc.

Les réponses du secrétaire d’État, Olivier Dussopt :

Sur la pénibilité : la poly-exposition est un sujet mais personne ne sait à ce stade comment la mesurer ni la traduire techniquement. Il n’y a pas d’opposition de fond mais une vraie difficulté à trouver une solution pour la mesure.

Sur le champ des agents concernés : la solution est la cotation des métiers pour éviter cotation individuelle. À ce stade, les discussions interprofessionnelles achoppent en raison du blocage des organisations patronales (particulièrement du Medef). Ce sera à la conférence de financement d’avancer pour trouver des solutions solidaires.

Sur le besoin de données statistiques plus fines sur les primes : la demande est partagée. Le sujet devrait donc avancer.

Sur les agents peu primés : le gouvernement est conscient que l’alerte concerne surtout la FPT et les agents à temps non-complet. À ce stade, les employeurs territoriaux ne sont favorables ni à un niveau indemnitaire minimal garanti ni à l’obligation de délibérer sur le sujet des indemnités.

Le nombre d’agents peu ou pas primés (hors enseignants et enseignants-chercheurs) s’élèverait environ à 200 000, tous versants confondus. 

Olivier Dussopt a assuré que les enseignants et enseignants-chercheurs de l’enseignement agricole public seront concernés par des mesures de revalorisation, ainsi que celles et ceux relevant du ministère de la culture et des écoles supérieures d’art de la Fonction publique territoriale.

Sur la garantie du niveau de pension : les agents publics seront bien concernés par l’amendement intégré au projet de loi sur le niveau « digne ». Mais, effectivement, Olivier Dussopt reconnait qu’il faudra apporter des précisions.

Olivier Dussopt a également laissé entendre qu’il n’y aurait pas d’augmentation des cotisations sur les primes, pour les agents nés avant 1975, sans ouverture de droits supplémentaires pour la pension. Mais ce n’est qu’une éventualité, pas du tout certaine, et selon des modalités qui resteraient à définir.

Sur la retraite progressive et l’exigence des 160 trimestres, l’explication réside dans le niveau d’emploi des seniors. Mais l’âge d’ouverture du droit sera bien le même pour le public et le privé : 60 ans.

Le gouvernement a pris bonne note des remarques sur le CET universel et sur le cumul emploi-retraites

Sur les polypensionnés : la clause à l’italienne s’appliquera pour celles et ceux qui finissent leur carrière dans la fonction publique. Mais il est impossible de s’avancer sur quelque autre modalité concernant le calcul des droits pour le temps travaillé dans un autre régime. Il est également impossible de s’avancer sur les modalités qui s’appliqueraient à ceux qui termineraient leur carrière dans le secteur privé. Le secrétaire d’État et son cabinet ont pris bonne note de la nécessité d’apporter des réponses.

Enfin, sur la demande d’une négociation sur les rémunérations, Olivier Dussopt n’est toujours pas en mesure de prendre d’engagement à ce jour. La CFDT Fonctions publiques a insisté sur son attachement à cette demande. Les carrières, les niveaux de rémunérations et leurs composantes (parts indiciaire et indemnitaire) doivent être revues. Le prochain rendez-vous salarial sera une nouvelle occasion de la rappeler. Le secrétaire d’État a concédé que la fin de la mise en œuvre de PPCR appellerait un nouveau travail sur ces sujets.

Au final, la délégation a pu avoir, pendant plus d’une heure de rencontre, des échanges francs, directs et fermes. Sans rien renier des avancées que nous avons déjà pu faire intégrer au projet de loi retraites, nous avons aussi été clairs sur les pas qu’il reste à faire pour aboutir à une réforme juste et solidaire.