Pouvoir d’achat : le père Noël ne passera pas pour les fonctionnaires

Publié le 21/12/2018

Acteurs publics, 21 déc. 2018, par Bastien Scordia

Fin d’année orageuse dans la fonction publique. Lors d’une réunion “tendue”, ce 21 décembre, le secrétaire d’État Olivier Dussopt a confirmé aux organisations syndicales que les agents publics ne bénéficieraient pas de la prime dite exceptionnelle. Les représentants du personnel sont remontés.

Pas de coup de pouce pour les agents publics. Vendredi 21 décembre, lors d’une réunion “d’information” sur la mise en œuvre dans la fonction publique des mesures gouvernementales annoncées en réponse aux “gilets jaunes”, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, n’a rien concédé de nouveau aux organisations syndicales en matière de pouvoir d’achat. Une réunion qualifiée de “très électrique” par une participante.

Leurs revendications des représentants du personnel étaient pourtant nombreuses. En ligne de mire notamment : la prime exceptionnelle (exonérée de cotisations et d’impôts) dont bénéficieront uniquement les salariés du secteur privé et non les agents publics. “Qu’un gouvernement incite les entreprises à verser une prime exceptionnelle, pourquoi pas ? Mais que dans le même temps, il s’en exonère pour ses propres agents ne peut que choquer”, a notamment expliqué lors de la réunion Mylène Jacquot, de la CFDT, en réclamant que les agents publics puissent aussi bénéficier de cette prime de fin d’année.

Une demande directement déboutée par le secrétaire d’État, qui a confirmé que le dispositif de prime exceptionnelle prévu par le projet de loi “portant mesures d’urgence économiques et sociales” (MUES, actuellement en débat au Parlement) “ne s’appliquera pas dans la fonction publique”.

Investissement “colossal”

Comme ces derniers jours, le secrétaire d’État a justifié la position gouvernementale par les efforts déjà consentis par le gouvernement à l’égard des agents publics, notamment la réactivation en 2019 des mesures d’application du protocole d’accord sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), ou encore les mesures annoncées lors du rendez-vous salarial de juin dernier (revalorisation de la monétisation des jours épargnés sur les comptes épargne-temps et abaissement du plafond de 20 à 15 jours, revalorisation de certains barèmes indemnitaires…). Un investissement au total “d’environ 1 milliard d’euros au bénéfice des agents publics”, a souligné Olivier Dussopt.

Ce dernier a surtout mis en avant le coût “très élevé” que représenterait le déploiement “stricto sensu” de la prime exceptionnelle pour les agents publics. Soit près de 5,1 milliards d’euros, “si l’on retenait le principe d’un versement de cette prime à tous les agents publics dont la rémunération n’excède pas 3 600 euros net par mois, seuil retenu pour l’exonération sociale et fiscale de la prime dans le secteur privé, soit 93 % des agents publics”, a indiqué Olivier Dussopt. Et de préciser que l’investissement financier représenté par cette prime, si elle était versée aux agents publics, “serait colossal et ne peut donc être retenu sauf à alourdir d’avantage et de manière significative soit le déficit public soit la dette publique, et ce sans pour autant parvenir à plus d’équité ou de justice dans notre structure de rémunération publique”.

Au-delà de ces justifications, la réunion de ce 21 décembre fut surtout l’occasion pour l’exécutif de défendre les autres mesures du projet de loi MUES qui concerneront bien les agents publics. La défiscalisation des heures supplémentaires (environ 1,5 million d’agents étant concernés) et la revalorisation de la prime d’activité.

Déceptions syndicales

Sans surprise, ces annonces n’ont pas satisfait les représentants du personnel, toujours impatients de faire bénéficier les agents publics de mesures salariales globales via la revalorisation du (toujours gelé) point d’indice, notamment.

“Le gouvernement n’a pris la mesure du malaise qui s’exprime dans la fonction publique et des difficultés en termes de pouvoir d’achat”, disent dans un communiqué commun la CGT, la CFDT, l’Unsa, FO, la CFTC, la CFE-CGC, la FSU, Solidaires et la FA-FP. “Prochainement, notre organisation examinera la situation de la fonction publique et de l’ensemble de ses champs professionnels avant de décider des modalités les plus appropriées dans la période pour obtenir l’ouverture de ces discussions salariales que nous sommes nombreux à demander”, a réagi la CFDT.

“Les annonces sont largement insuffisantes”, juge la FSU, qui demande “solennellement et avec fermeté l’ouverture de négociations pour revaloriser les salaires de tous les agents de la fonction publique”. “La défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas une réponse satisfaisante à l’amélioration du pouvoir d’achat […]. Tous les fonctionnaires ne vont pas en bénéficier, dans certains cas, elles ne sont pas payées et dans d’autres cas, les agents publics n’en ont pas, comme les professeurs des écoles”, dit Frédéric Marchant, de l’Unsa.

Les agents publics, “grands oubliés”

“C’est une réunion très décevante car elle n’apporte pas de réponse à la baisse du pouvoir d’achat des agents publics, qui sont les grands oubliés des annonces du président de la République, dit Nathalie Makarski, de la CFE-CGC. Celle-ci explique avoir attiré “solennellement” l’attention du secrétaire d’État “quant aux conséquences de ce rendez-vous manqué”.

“Le gouvernement ne répond pas aux attentes des agents publics, à la colère sociale et à ce qui se passe dans le pays, ajoute Gaëlle Martinez, de Solidaires. Après les miettes pour le privé, le gouvernement donne encore moins aux fonctionnaires.” Bruno Collignon, de la FA-FP, fait lui aussi part de sa “déception” et s’inquiète des impacts à venir sur les finances publiques des décisions annoncées par le chef de l’État.

Une réunion pour rien, véritablement ? Pas vraiment. Comme l’explique un représentant du personnel, “les organisations syndicales, dans leur ensemble, ont aujourd’hui compris l’intérêt qu’il y avait à réagir”. Et à se mobiliser prochainement ? L’idée est dans les tuyaux syndicaux. Devant “l’absence de réponse” de la part du gouvernement, les syndicats signataires du communiqué commun “décideront des moyens nécessaires pour peser afin d’être entendus”. Déjà Force ouvrière “prédit une rentrée sociale sans précédent”. “Nous n’avons pas d’autre choix que de préparer la mobilisation nécessaire jusqu’à l’obtention de nos revendications”, indique l’organisation syndicale. Et de préciser que les fonctionnaires sont aujourd’hui “humiliés”