La prochaine étape pour la CFDT est de devenir la 1ère organisation tous secteurs confondus

Publié le 24/09/2018

AEF - dépêche n° 592017 du 24 septembre 2018 - Clarisse Jay, Sixtine de Villeblanche

Le 6 décembre 2018, les agents des trois versants de la fonction publique vont élire leurs représentants syndicaux aux 22 000 instances de concertation de la fonction publique. AEF info publie chaque lundi, à partir du 17 septembre, une interview des responsables des neuf fédérations représentatives de la fonction publique (UFSE-CGT, Uffa-CFDT, FGF-FO, Unsa Fonction publique, FSU, Solidaires, CFE-CGC, CFTC, et FA-FP). Aujourd’hui, Mylène Jacquot, secrétaire générale de l’Uffa-CFDT, deuxième organisation sur les trois versants avec 19,27 % des voix, derrière la CGT (1) et devant FO.

AEF info : Quelle est votre analyse du programme Action publique 2022 et de la concertation fonction publique en cours ? Comment anticipez-vous la rentrée sociale ?

Mylène Jacquot : Plusieurs sujets se posent pour les agents en cette rentrée. Tout d’abord la circulaire du Premier ministre du 24 juillet 2018 qui engage une première séquence d’échanges et d’élaboration de propositions qui doivent remonter des préfectures de région [lire sur AEF info]. Cette réflexion devra intégrer une partie du dialogue social de la part des préfets, certains ayant commencé les consultations, même si ce dialogue reste informel.

Sur la partie "réorganisation des missions", la circulaire est assez prédictive, avec des marges de discussion réduites quasiment à néant puisque des restructurations et réorganisations ont déjà été largement pensées. Depuis le début, nous répétons que, sur la méthode, il aurait fallu réfléchir au préalable aux missions y compris en donnant la parole aux agents. Mais cela est fait très rapidement et avec une contrainte budgétaire forte, le gouvernement annonçant à l’avance les objectifs en matière de réductions d’effectifs. Là réside un nœud qui n’a pas de solution pour l’instant et qui est source d’inquiétudes fortes chez les agents, comme à Bercy, par exemple.

La place du dialogue social dans cette circulaire est réduite à un simple supplément d’âme. Elle stipule d’ailleurs à la fin que ce n’est qu’une fois que les décisions seront arrêtées que les comités techniques seront consultés… ce qui a le mérite de la clarté !

S’agissant de la concertation fonction publique, nous avons l’impression d’être dans un entre-deux, après le point d’étape des deux premiers chantiers réalisés en juillet [lire sur AEF info]. Il reste encore deux chantiers à mener sachant que le point d’étape des chantiers 3 et 4 ne marquera pas la fin de la concertation, celle-ci devant reprendre après les élections de décembre afin de préparer le projet de loi fonction publique prévu pour 2019.

Concernant le chantier 3 relatif aux rémunérations [lire sur AEF info), nous avons une expression claire depuis le début : dans une période où les décisions du gouvernement sont négatives pour le pouvoir d’achat des agents et où se profile à l’horizon 2019 une réforme des retraites qui impliquera d’avoir aussi une réflexion de long terme, il nous semble urgent d’attendre sur la question de la structuration de la rémunération des agents. Ce qui ne veut pas dire qu’il est urgent d’attendre sur leur pouvoir d’achat. Quant au chantier 4 qui porte sur les transitions professionnelles et à la mobilité [lire sur AEF info], il est nécessaire de se donner les moyens de réfléchir collectivement car le quotidien des agents affectés par les restructurations dès les prochains mois est concerné.

AEF info : Dans ce contexte particulier, quels sont les enjeux des élections professionnelles de décembre pour la CFDT, qui est devenue la première organisation dans le privé en mars 2017 (lire sur AEF info), en termes de représentativité et de participation notamment ?

Mylène Jacquot : Il s’agit pour nous de montrer l’intérêt du syndicalisme, des organisations syndicales et de rappeler ce que nos engagements permettent d’obtenir sur l’ensemble du mandat, au-delà du contexte dans lequel se déroulent les élections.

Typiquement, un accord comme PPCR, dont découlait aussi le rendez-vous salarial de 2016 avec une revalorisation de la valeur du point, permettra, quand il sera achevé, une amélioration pour les agents. Je précise au passage que c’est le gouvernement qui porte la responsabilité du report de PPCR en 2018, du fait de son coût. Ce qui signifie en creux que ce protocole d’accord n’est pas anodin, puisqu’il représente un coût de 5 milliards d’euros pour le déroulement de carrière des agents publics et leur pouvoir d’achat.

Concernant plus particulièrement la CFDT – et le secrétaire général de la confédération Laurent Berger l’a affirmé dès l’annonce des résultats des élections professionnelles dans le privé –, la prochaine étape est de devenir la première organisation, tous secteurs confondus (privé et public). Et l’on ne confond pas cet objectif avec celui de devenir premiers dans la fonction publique, ce qui ne nous empêche pas d’en rêver. Il faut être réaliste sur l’avance, même si elle a tendance à se réduire, de la CGT. Il faut aussi tenir compte de la réalité de notre implantation, qui est forte sur l’ensemble de la fonction publique, mais qui n’est pas égale partout.

L’objectif pour nous sera bien de déposer des listes qui permettent à un maximum d’agents de pouvoir voter CFDT. Ce travail est entamé depuis un moment et devra s’achever le 25 octobre, date limite de dépôt des listes. Ensuite, il s’agira de réussir la dernière partie de la campagne, avec une intensification de nos actions de visibilité et de proximité et une implication forte de toute l’organisation à tous les niveaux, ce qui inclut la confédération et les militants du privé. La ligne a été donnée très clairement lors du dernier congrès confédéral [lire sur AEF info]. Un travail est actuellement réalisé par nos fédérations pour identifier leurs cibles par versant, sachant que le syndicalisme au sein de l’État repose sur un corporatisme plus marqué qui fait que FO est en première place (la CFDT et la CGT y sont respectivement 4e et 5e) alors que CGT et CFDT sont premiers dans la territoriale et l’hospitalière.

S’agissant de la participation, c’est un enjeu fort, puisqu’elle participe de la légitimité des syndicats. Obtenir une bonne participation dépend de l’implication des employeurs – ce qui avait été fait en 2014 avec une campagne –, mais aussi de l’action des syndicats de donner envie de voter. À cet égard, le gouvernement actuel a prévu également de mener une campagne. Nous appelons tous les employeurs publics à faire leur travail en facilitant le déroulement des opérations de vote, à sécuriser le dispositif et à donner tous les moyens aux agents pour aller voter.

Et pour cela, il faut être capable de montrer que le type de syndicalisme qui est le nôtre apporte du plus pour les agents de fonction publique, en matière de pouvoir d’achat, certes, mais aussi en matière de déroulement de carrière, de qualité de vie au travail (télétravail notamment), de protection sociale complémentaire, de dispositions en faveur des contractuels avec la mise en œuvre de l’accord Sauvadet, etc.

AEF info : Anticipez-vous des difficultés particulières dans le déroulement du scrutin ?

Mylène Jacquot : Pour l’heure, nous pointons quelques difficultés dans des établissements hospitaliers qui prévoient de faire coïncider deux modalités de vote différentes (vote par correspondance et vote électronique), ce qui ne facilitera pas le déroulement du scrutin, avec un risque que certains agents votent deux fois.

Cela étant dit, d’autres difficultés se font jour dans des établissements qui perdent des effectifs, ce qui rend plus compliqué la constitution des listes. Concernant les fusions et restructurations dans la fonction publique territoriale, certaines nouvelles équipes doivent se constituer. Mais cela peut aussi permettre de bénéficier de plus d’effectifs et d’avoir ainsi des équipes de militants et d’adhérents plus importants, permettant une implication plus forte.

AEF : Les difficultés des organisations syndicales à faire entendre leur voix dans la concertation actuelle risquent-elles de remettre en cause auprès des agents le rôle des organisations syndicales et leur capacité à être efficaces ? Plus largement, faut-il repenser le syndicalisme dans la fonction publique et si oui, comment ?

Mylène Jacquot : C’est toute la difficulté sachant que c’est plus une question de qualité de dialogue social que de manque de dialogue social. Sur la concertation en cours, on aurait aimé qu’elle puisse déboucher, sur certains sujets, sur de la négociation, négociation que nous avons obtenue par ailleurs sur l’égalité professionnelle.

Cela étant dit, la CFDT fait le choix de s’exprimer et d’y participer, comme les autres organisations syndicales du reste, et de faire valoir ses propositions et ses positions. Certaines seront peut-être retenues, d’autres, non, mais quoi qu’il en soit, nous nous attacherons à la fin de la concertation, à voir ce que nous avons obtenu. Il nous semble indispensable de ne pas nous tromper de combat et de porter à chaque fois que cela est possible l’intérêt des agents.

Mais nous ferons tout pour ne pas instrumentaliser les calendriers. Nous continuerons d’agir syndicalement comme nous le faisons habituellement malgré la perspective des élections. Quelle que soit la période, il appartient à chaque organisation d’élaborer et de porter ses propres revendications mais quand il y a des points de convergences qui apparaissent, cela ne nous empêche pas de nous retrouver. Par exemple, il n’est pas exclu que nous ayons une expression commune à l’occasion du point de suivi du rendez-vous salarial du 17 octobre.

Au-delà, peut-être que le dialogue social gagnerait à évoluer car étant trop institutionnalisé, les instances l’emportant souvent sur l’action syndicale au quotidien.

Enfin, le travail de proximité doit donner envie aux agents d’adhérer afin que soient portés leurs attentes, leurs besoins. Il ne faut pas s’enfermer dans une espèce de syndicalisme coupé du monde du travail qui évolue.

AEF info : Neuf organisations syndicales, n’est-ce pas trop ?

Mylène Jacquot : Traiter des instances comme cela est fait dans le cadre du chantier 1 aurait supposé d’aborder leur composition, ce qui n’a pas été fait. C’est le gros raté de ce chantier. Plus largement, il y a un problème d’émiettement du paysage syndical en général alors même que certaines organisations ont des orientations proches.

C’est un sujet posé en France depuis des décennies et qui ne se résout pas. Dans d’autres pays, le paysage syndical est plus restreint et les organisations syndicales n’en ont pas moins de poids, au contraire. D’autre part, nous ne désespérons pas d’amener le gouvernement à conduire une réflexion sur un renforcement de la négociation qui passerait par un bilan des accords de Bercy.

AEF info : Comment concilier maintien du front syndical et campagne électorale à trois mois des élections ?

Mylène Jacquot : Cela est possible dès lors qu’il y a du respect de ce qu’est notre rôle aux uns et aux autres auprès des agents et que l’on continue à placer leur intérêt avant celui de nos organisations. C’est ce qui a permis de déboucher par exemple sur le courrier commun du mois de juillet adressé à Olivier Dussopt sur l’égalité professionnelle. Au-delà de nos divergences, nous avons été capables de rappeler au gouvernement les sujets que nous souhaitions voir abordés dans cette négociation.

(1) En décembre 2014, premier scrutin à avoir lieu simultanément dans les trois versants de la fonction publique, la CGT avait recueilli 23,08 % des voix, la CFDT 19,27 %, Force ouvrière 18,59 %, l’Unsa 10,38 %, la FSU 7,91 %, Solidaires 6,85 %, la CFTC 3,33 %, la CGC 2,93 % et la FA-FP, 2,91 %.