Fonction publique : Un temps de travail augmenté pour supprimer des postes

Publié le 04/10/2018

L'Humanité - Mardi, 2 Octobre 2018

 

Le projet de loi prévoit de revenir sur tous les accords dérogatoires légaux négociés dans les collectivités.

Un serpent de mer qui revient en force, quelques mois avant une loi annoncée… Pour mieux faire passer les suppressions de postes à venir dans la fonction publique en général, et la fonction publique territoriale en particulier, le gouvernement veut bousculer les accords dérogatoires sur le temps de travail négociés dans les collectivités. En 2016, le rapport du secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF) évoquait une moyenne de 1 562 heures travaillées par ces agents chaque année, contre les 1 607 heures inscrites dans la loi. « On rappelle que la loi est la même pour tous, précise Mylène Jacquot, la secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques. Quand il y a des dérogations, c’est le fruit d’un accord négocié avec les représentants du personnel dans les collectivités, parce que l’organisation du travail tient compte des contraintes spécifiques des fonctionnaires et contractuels territoriaux : dans les services techniques, les agents doivent effectuer beaucoup d’astreintes, d’autres services se voient imposer des horaires atypiques, travaillant le week-end sur des événements culturels ou sportifs, très tôt ou très tard le soir dans l’accueil petite enfance ou le périscolaire. Ces astreintes ont été compensées par du temps plutôt qu’en contrepartie financière. »

16 % des agents territoriaux effectuent des astreintes

Or, le gouvernement prévoit dans son projet de loi de remettre à plat ces dérogations, négociées parfois avant les lois Aubry de 2000 sur le temps de travail, en affichant sans vergogne vouloir ainsi dégager l’équivalent de 32 000 emplois. Une première étape pour atteindre les 70 000 suppressions de postes programmées par l’exécutif dans la fonction publique territoriale d’ici à 2022. « Le véritable sujet pour nous, dénonce Baptiste Talbot, le secrétaire général de la CGT services publics, c’est que cette augmentation du temps de travail ne sert qu’à financer ces suppressions d’emplois. On nous présente cela comme un rétablissement de l’équité entre les secteurs public et privé pour en fait financer la baisse des emplois, tout en alimentant l’image des fonctionnaires nantis soumis à des règles plus favorables. » Or, comme le rappelle le syndicaliste, 16 % des agents territoriaux sont amenés à effectuer des astreintes. Un pourcentage réduit de moitié dans le privé, selon les chiffres du rapport annuel de la fonction publique 2017. De même, 30 % des fonctionnaires des collectivités œuvrent le dimanche, contre 25 % des salariés dans le privé.

« La manière de procéder du gouvernement nous surprend, s’étonne encore Mylène Jacquot. La loi oblige les partenaires à négocier, mais si le gouvernement en fixe le point d’aboutissement, il ne s’agit plus d’une négociation ! Ce point est à trouver par la discussion entre l’employeur et les agents. Là, on a presque une entorse à la libre administration des collectivités. » Depuis quelques années, des budgets de plus en plus contraints ont entraîné une multitude de remises en cause d’accords dérogatoires sur le temps de travail, provoquant de nombreux conflits dans les collectivités. Pour la seule année en cours, les grèves ou mouvements sociaux se sont succédé au conseil régional d’Occitanie, dans l’agglomération de Saint-Quentin (Aisne), de Nice (Alpes-Maritimes), à la métropole Aix-Marseille-Provence, dans l’agglomération de Béziers Méditerranée (Hérault), chez les territoriaux du Tarn Ouest, les personnels de Plaine Commune (Seine-Saint-Denis), dans la communauté d’agglomération du Beauvaisis (Oise), au conseil départemental de l’Ardèche. La dernière lutte en date, celle des agents de la mairie de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), s’est soldée par une victoire des municipaux, préservant leurs accords de 1 557 heures. « Si la loi tombait ? On remettra ça ! » assure l’intersyndicale.

Kareen Janselm