Extension ou généralisation : Darmanin sème le trouble sur l’ampleur du recours au contrat

Publié le 30/10/2018

Alors que le gouvernement Philippe avait jusqu’ici évoqué une “extension” du recours au contrat, le ministre de l’Action et des Comptes publics a annoncé, le 28 octobre, une “généralisation”. Mais rien de nouveau en ce sens ne figure dans le compte-rendu du comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre.

Par Pierre Laberrondo pour Acteurs Publics le 29 octobre 2018

Les mots ont un sens. La communication politique aussi. En évoquant, le 28 octobre – la veille du deuxième et très attendu comité interministériel de la transformation publique (CITP) –, la “généralisation” du contrat dans la fonction publique, alors que le gouvernement Philippe n’évoquait jusqu’ici qu’une extension, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a semé le trouble. La fonction publique va évoluer, a-t-il déclaré, vers une “généralisation du contrat”“Il y aura la possibilité de passer par le statut et la possibilité de passer par le contrat”, a indiqué le ministre lors d’une émission organisée avec Les Échos et CNews.

Les agents publics pourront désormais “venir pour cinq, dix ou quinze ans dans la fonction publique”, a poursuivi l’élu de Tourcoing, avant de souligner qu’il était “important” de "garder” le statut pour une “partie” des fonctionnaires, “notamment” dans les  fonctions les plus régaliennes”, sans donner plus de détails.

Effet de com’ assuré

Le ministre Darmanin, probablement un des plus efficaces communicants de cette équipe gouvernementale, a ensuite repris ce credo sur son compte Twitter : “Nous allons porter avec Olivier Dussopt une réforme courageuse de la fonction publique : mieux former les agents publics ; l’État est un très mauvais DRH ; la généralisation du contrat ;  les plans de départs volontaires dans les administrations qui se transforment”. Effet de com assuré auprès des médias (qui ont tourné en boucle pendant 24 heures sur le sujet), quitte à donner au CITP du lendemain une coloration qu’il n’aurait peut-être pas dû avoir, le document de synthèse n’actant rien de nouveau à ce sujet.

Le document diffusé à la presse reprend exactement les mêmes mots que ceux utilisés lors du premier CITP du 1er février et mentionne prudemment “un élargissement du recours au contrat, en particulier pour les métiers ne présentant pas de spécificités propres au secteur public”. Le genre d’expressions bateaux qui ne veulent pas dire grand-chose en soi.

Lors du CITP du 1er février, Gérald Darmanin avait déjà focalisé toute l’attention médiatique avec l’annonce tonitruante d’un plan de départs volontaires qui ne figurait pourtant pas dans le compte rendu écrit publié à la sortie et qui n’avait pas été évoquée par le Premier ministre dans son discours devant les caméras…

Bataille en coulisse ?

Huit mois plus tard, ce lexique (“généralisation”) trahit-il une bataille en coulisse, au sein du gouvernement et de la haute administration, sur l’ampleur du recours au contrat ou s’agit-il d’une simple provocation de communication ?

Toujours-est-il que dans la foulée de la déclaration du ministre du 28 octobre, une source à Bercy citée par l’AFP pointait un “excès de langage” de Gérald Darmanin en assurant que les “arbitrages n’ont pas changé”. Les syndicats affichent, eux, leur vif mécontentement. Un de plus.

Sur le fond de l’affaire, tout reste une question de degré. Jusqu’à présent, la communication interne en direction des syndicats a plutôt donné le sentiment d’une révolution de faible ampleur. Notamment le 31 mai, lors de la présentation par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) des pistes de réflexion envisagées par l’exécutif pour “ouvrir davantage l’emploi public aux agents contractuels”. Au sujet des catégories de métiers ou emplois pour lesquels le recours au contrat “pourrait/devrait être privilégié”, la DGAFP citait dans un document les exemples de la filière numérique, des métiers de la communication ou encore de l’immobilier. Pas de quoi faire trembler les murs. “On a plutôt le sentiment que c’est la solution a minima qui prévaut”, confiait d’ailleurs tout récemment le DRH d’un ministère.

Quoi qu’il en soit, une chose est à peu près sûre : le gouvernement Philippe aurait abandonné l’idée de remplacer dans la fonction publique les contrats de droit public par des contrats de droit privé, une des pistes étudiées à l’origine. Une source de haut niveau l’a indiqué à Acteurs publics de manière ferme. “Les contrats de droit de privé, on ne les fera pas, ça, c’est arbitré”, lâchait la semaine dernière un très haut fonctionnaire.

Pendant la campagne, le candidat Macron avait pourtant assuré qu’il voulait du changement en la matière. “Aujourd’hui, le contrat de droit public et le contrat de droit privé diffèrentJe n’en vois pas la raison. Je souhaite leur convergence”, avait-il confié dans le cadre d’une interview à Acteurs publics publiée le 13 avril 2017, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle.