Europe : Combattre l’extrême droite partout et en tout temps

Publié le 22/03/2023

L’extrême droite progresse partout en Europe. Le syndicalisme européen réagit et met en réseau ses ressources pour la combattre.

L’extrême droite progresse partout en Europe. Le syndicalisme européen réagit et met en réseau ses ressources pour la combattre. La CFDT Fonction publique fait désormais partie de ce réseau. C’est avec plaisir que, sur demande des structures CFDT, nous mettrons à disposition, le matériel revendicatif issu des syndicats de toute l’Europe.  

État des lieux : une extrême droite trop puissante en Europe !

L’Italie, la Pologne et la Hongrie sont dirigées par des gouvernements d’extrême droite. En Lettonie et en Slovaquie l’extrême droite est membre du gouvernement et en Suède l’extrême droite soutient le gouvernement sans participation. 

Quelques chiffres

En 2022 sur la base des résultats des derniers processus électoraux aux législatives (chiffres arrondis) : 

+ De 20% : Hongrie 59%. Pologne 50%. Italie 42%. Lettonie 22%. Suède 21%.Finlande 20 %. 

De 10 à 20% : Slovaquie 19%. France 18%. Autriche et Estonie 17 %. Espagne 15%. Belgique 12%. Allemagne et Pays Bas 11%. Croatie 10%. 

De 5 à 10% : Danemark/Roumanie/ Bulgarie/République Tchèque 9 %.  Chypre 6 %. Portugal 5%

De 0 à 3% : Grèce 3%, Slovénie1%, Luxembourg/Irlande/Lituanie/Malte 0%.  

Une forte progression dans nombre de pays par rapport à un décompte similaire effectué en 2018. Après les résultats en Suède et en Italie, quatre questions sur la montée de l’extrême droite en Europe – L'Effervescent (leffervescent.fr)

Les explications souvent avancées

  • Une classe politique jugée hors sol.
  • Une lassitude face aux alternances traditionnelles droite/gauche.
  • Une augmentation de l’abstention dans les classes dites populaires.
  • Le scrutin proportionnel favoriserait leur présence dans les assemblées
  • Une porosité grandissante entre droite classique et droite extrême.
  • L’usage de stratégies de banalisation utilisées par l’extrême droite.
  • Une adhésion aux thèses nationalistes et ultra nationalistes à apprécier au regard de l’histoire propre à chaque pays. 

Au parlement européen

L’Europe telle qu’elle fonctionne, est conspuée par toute l’extrême droite au profit d’une « Europe des nations ».  

Sur les 705 députés européens, on compte officiellement 127 députés membres de 2 groupes distincts.

  • Le groupe Conservateurs et Réformistes Européens (CRE) qui compte 63 membres
  • Le groupe Identité et Démocratie (ID) qui lui compte 64 membres c’est le groupe du Rassemblement National (RN).

Parmi les députés non-inscrits dans un groupe, il convient au moins d’ajouter les Hongrois de Fidesz comptant 13 membres. C’est le parti de Victor Orban, exclu par le groupe « parti populaire européen » (PPE) (droite traditionnelle).

Au total ce sont environ 20 % des députés européens qui se réclament de l’extrême droite.     

En France de plus en plus de crainte pour 2027 voire avant en cas de dissolution 

La stratégie de « dédiabolisation » du RN est assez similaire à celle utilisée par Giorgia Meloni de Fratelli d’Italia. Il n’est qu’à voir l’épisode parlementaire en cours sur les retraites.  Le front républicain a « du plomb dans l’aile ».

Le vote RN a fortement augmenté chez les femmes qui faisaient jusque-là rempart et pèse 40 % du vote dit « Ouvrier ».

L’arrivée au pouvoir de l’extrême droite parait désormais plausible.

Les syndicats Français concernés 

Selon un sondage Harris « sortie des urnes », effectué à l’occasion de la présidentielle 2017 puis en 2022. Le vote des sympathisants des syndicats de salariés est passé de 13 % à 21 % en cinq ans en faveur de Marine Le Pen.

Elle progresse chez tous les électeurs proches de syndicats, parfois de façon très importante : FO 31% (+7), CFTC 29% (+15), CGT 22% (+7), UNSA 19% (+5) CGC 17% (+4), CFDT 15% (+8), Solidaires 14% (+1) et FSU10% (+1).

Si l’on additionne les scores des candidats d’extrême droite (Marine Le Pen, Eric Zemmour, Nicolas Dupont-Aignan), les sympathisants de la CFTC (38 %) et FO (37 %) sont acquis à cette mouvance politique.

L’influence de l’extrême droite touche notamment un quart des sympathisants CGT, CFE-CGC et UNSA mais aussi près d’un cinquième des proches de la CFDT.

La stratégie syndicale européenne pour lutter contre l’extrême droite 

Dans ce contexte la Confédération Européenne des Syndicats (CES) a bâti en 2021 une feuille de route pour élaborer la réponse syndicale face à la montée de l’extrême droite. Elle vise à intégrer la lutte contre l’extrême droite dans toutes les composantes de ses organisations affiliées.

La feuille de route s’attache en premier lieu à définir les contours de l’extrême droite. En effet, elle arbore de multiples visages en Europe mais elle a aussi des traits communs :

  • Partout elle se sert de « l’identité nationale » contre les étrangers ou migrants
  • Parfois elle vise des communautés spécifiques : croyances religieuses, LGBTIQ, groupes minoritaires jugés ennemis par exemple le cas des Roms
  • Parfois elle s’attaque à l’écologie et à la science, qualifiant celles-ci de conspirations d’élites mondialisées qui s’en prendraient aux états nations pour les détruire.  Leur soutien aux théories complotistes s’est notamment affirmé pendant la crise Covid (opposition aux mesures sanitaires, soutien aux antivax…).

L’extrême droite divise les travailleurs

L’extrême droite affirme souvent que les syndicats sont distants et appartiennent à l’élite dirigeante coupée de la réalité. Elle mériterait, selon ses dires,  la confiance des travailleurs pour les représenter davantage que les syndicats. L’extrême droite tente en permanence de s’organiser pour avoir la mainmise sur les lieux de travail, les comités sociaux, les branches des syndicats et pour créer des syndicats inféodés à ses thèses.

L’extrême droite prospère dans un contexte où la sécurité professionnelle et les revenus ont diminué

Si l’accélération de l’innovation technologique a aboli certains types d’emploi, elle en a aussi déqualifié et banalisé d’autres. Des modèles délibérés de relations individualisées et fragiles sont encouragés sur le lieu de travail au détriment des solutions collectives. Trop de travailleurs sont laissés « sur le bord de la route », sans perspectives.

Il importe donc que les syndicats offrent des réponses à la fois pour résorber cette précarisation inacceptable et aux prétendues solutions portées par l’extrême droite. Le fait d’utiliser un groupe de personnes comme bouc-émissaires ne sert qu’à détourner l’attention des causes véritables des problèmes sur nos lieux de travail et dans nos communautés.

Fonctionner syndicalement en réseau

La CES dresse le constat qu’il n’existe pas de remède miracle ni de solution unique toute faite qu’il suffirait de reproduire en tout lieu pour s’attaquer à l’extrême droite. Elle part du (bon vieux) principe que pour gagner, les syndicats sont plus forts s’ils s’unissent en apprenant les uns des autres.

La CES s’appuie sur son organisme de formation ETUI 

Il s’agit de former, d’échanger sur les pratiques, d’échanger sur les contenus de formation et constituer un réseau d’interlocuteurs dédiés.  À ce titre ETUI a déjà organisé plusieurs cycles de formation depuis 2022 qui s’adresse en particulier aux responsables de la formation syndicale mais aussi aux militants des exécutifs syndicaux.

La CES a demandé à ETUI, d’intégrer des séquences « politiques » dans les formations afin d’aider les syndicats à élaborer un discours solide et fondé sur des valeurs pour lutter contre l’extrémisme de droite. Les formations sont axées sur le renforcement de la confiance dans les syndicats et sur la démocratie nécessaire aux travailleurs.

Il s’agit aussi de permettre et promouvoir une culture du devoir de mémoire sur les horreurs commises par l’extrême droite ainsi que sur l’histoire du mouvement syndical qui mérite elle, d’être célébrée. Il faut en effet interdire que l’extrême droite s’approprie des journées de fête nationale ou de commémoration.

Dans la formation, une place importante est consacrée à la communication, tant cette dernière tient une place importante dans ce combat. L’extrême droite, en Europe est très active en la matière et même « hyper active » en particulier sur les réseaux sociaux fréquentés par les jeunes comme YouTube, Telegram ou TikTok… Il s’agit pour les syndicats de « faire du bruit » également sur les réseaux sociaux.

Par ailleurs la CES revendique une réglementation européenne pour les médias sociaux contre les discours de haine, l’intimidation et le harcèlement sur les plateformes en ligne, et pour un journalisme de qualité sur divers médias.

Parfois, les syndicats ont négocié des mesures pour lutter contre l’extrême droite sur le lieu de travail. Ces accords peuvent être source d’inspiration et d’encouragement. Les affiliés de la CES sont invités à mutualiser leurs conventions collectives, accords d’entreprises et autres textes ou déclarations, qui ont pour objectif de lutter contre la montée de l’extrême droite sur les lieux de travail.

Il s’agit aussi de garder les idées d’extrême droite et extrémistes hors du mouvement syndical. Certains syndicats s’attèlent, via des formations, à apprendre à dialoguer avec les salariés et les adhérents au sujet de l’extrême droite (attention il ne s’agit de dialoguer avec l’extrême droite). Il s’agit aussi pour les syndicats d’identifier les règles et pratiques en interne (statuts, règlements...).

Un site « ad hoc » a été mis en place 

Ce site permet d’échanger entre les interlocuteurs dédiés du réseau et de partager puiseurs documents (apprentissages, méthodes de formation, cours et documents, argumentaires, pétitions, dispositions conventionnelles, cartographies de la présence de l’extrême droite sur les lieux de travail, évènements organisés par les syndicats contre l’extrême droite y compris en lien avec la société civile…).

La CES « planche » sur d’autres aspects de lutte contre l’extrême droite

  • Faire barrage à l’extrême droite au Parlement européen

La CES s’est engagée via une résolution, lors de son Comité Exécutif de mars 2022, à dresser une barrière étanche avec les partis et élus d’extrême-droite en refusant tout contact avec eux. Seule ou avec d’autres acteurs de la société civile, elle entend engager un plan d’action de mise en lumière des votes des députés de l’extrême-droite et une campagne de communication sur les élections européennes 2024.

La CFDT a soutenu sans réserve cette proposition.

  • Préserver l’état de droit

Quand l’extrême droite est forte ou gouverne, on observe des cas d’ingérence politique très médiatisés dans le système judiciaire, les médias et d’autres institutions qui devraient être indépendants.

La CES appelle notamment l’Union européenne, à faire respecter l’État de droit dans les pays membres via un véritable « mécanisme global d’État de droit à l’échelle européenne ». Elle revendique que l’octroi de TOUS les fonds de l’UE soient conditionnés au respect de l’État de droit.

Cette disposition a été mise en œuvre pour la première fois par le blocage de 6,3 Mds € à la Hongrie en décembre 2022 au regard du non-respect de l’État de droit.