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Socle européen des droits sociaux : Une promesse à tenir

Publié le 21/11/2017

La proclamation, au Sommet de Göteborg, du socle européen des droits sociaux marque un nouveau pas vers l’Europe sociale. Reste à le concrétiser, dialogue social à l’appui.

Il se passe quelque chose en Europe. Comme un frémissement social. L’an passé, la Commission européenne répondait en partie aux revendications syndicales avec le plan d’investissement Junker. Bien qu’insuffisant, il constituait un premier pas vers une « Europe sociale triple A », selon les mots du président de la Commission. Le 23 octobre dernier, nouvelle avancée : les ministres des Affaires sociales et du Travail des vingt-huit États membres sont parvenus à un premier accord en vue de réviser la directive sur le travail détaché. Un texte là encore insuffisant, qui exclut le secteur du transport et reste au milieu du gué sur les protections apportées aux travailleurs détachés. Mais qui montre la capacité de l’Europe à aller, certes à trop petits pas, dans le bon sens.

Ce 17 novembre en Suède, l’Europe sociale a fait un nouveau pas en avant. Le sommet social de Göteborg, le premier depuis vingt ans, a vu l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement proclamer la déclaration sur le socle européen des droits sociaux.

La relance du processus de convergence sociale

           
       L'intervention de Laurent Berger lors du Sommet social      

C’est l’aboutissement d’une initiative lancée par la Commission européenne en mars 2016, qui a fait l’objet d’une consultation publique à laquelle le mouvement syndical européen, dont la CFDT, a activement participé. L’objectif assigné à ce socle était de relancer le processus de convergence sociale au sein du marché unique mais aussi de réconcilier les citoyens avec une Union européenne apparue comme très libérale ces dernières années.

Après un an de débats, trois axes de travail ont été retenus, qui se déclinent en vingt principes généraux. Le chapitre « égalité des chances et accès au marché du travail » prévoit le droit à une éducation inclusive et de qualité, à la formation et à l’apprentissage tout au long de la vie, l’égalité femmes-hommes, l’égalité des chances et le soutien actif à l’emploi. Celui sur les « conditions de travail équitables » va d’un emploi sûr et adaptable à des salaires justes et des minimas garantis en passant par le dialogue social et la participation des travailleurs ou encore l’équilibre entre vies professionnelle et privée. Enfin, le chapitre sur la « protection et insertion sociales » vise à garantir les différentes dimensions de la protection sociale (vieillesse, chômage, santé, pauvreté, enfance) et de l’inclusion (handicapés, sans-abris, accès aux services essentiels).

 

Bonne nouvelle pour l’Europe et ses citoyens, le socle européen des droits sociaux tombe à pic en vue de redonner confiance dans le projet européen. Le Brexit, la montée des extrêmes dans de nombreux pays, les replis identitaires, l’euroscepticisme plombent en effet sérieusement le modèle européen de démocratie, de paix et de solidarité.
Évidemment, le mouvement syndical s’est réjoui de la proclamation de ce socle européen des droits sociaux, à commencer par la Confédération européenne des syndicats (CES), par la voix de son secrétaire général, Luca Visentini : « L’Europe semble enfin vouloir passer de l’austérité aux droits sociaux et à la solidarité. Il est grand temps de restaurer le modèle social européen mis à mal durant une décennie et de refonder une économie sociale de marché dans laquelle les droits sociaux ne sont pas évincés par la prépondérance des libertés économiques. » Laurent Berger a été l’un des huit syndicalistes conviés aux sessions de travail du sommet social des chefs d’État et de gouvernement. « Ce socle est une promesse aux travailleurs européens », a salué le secrétaire général de la CFDT. Lors de son intervention, il a fait passer deux messages. « Rien de pire qu’une promesse non tenue. Le socle doit se traduire maintenant en mesures concrètes sur la formation, l’apprentissage, l’accès à l’emploi des jeunes, les contrats de travail et par des investissements dans le secteur public. Cela ne se fera pas sans dialogue social, au niveau européen et dans chacun des pays. Vous [chefs d’État et de gouvernement] ne ferez pas durablement sans les partenaires sociaux. Il faut faire du dialogue social le vecteur du changement. » Un appel du pied au Président Macron, qui a annoncé que la France rejoignait, quelques jours après la CFDT, le Global Deal, initiative mondiale pour le travail décent et la croissance inclusive qui fait la part belle au dialogue social.

Car si, pas à pas, se dessine le chemin de l’Europe sociale, beaucoup reste à faire. « La question cruciale est de savoir si ce socle suffira à déclencher un glissement de l’UE vers une meilleure protection sociale et des normes de travail plus élevées, analyse Yvan Ricordeau, secrétaire national chargé des questions européennes. Avec comme effet ricochet une pression sur le patronat européen pour relancer le dialogue social en choisissant, par la négociation, de ne pas laisser la voie institutionnelle tout organiser. »

Virage pour l’Europe sociale

Selon le secrétaire national, « l’impact du socle dépend du sérieux que lui accorderont les acteurs concernés, d’abord les États, mais aussi les partenaires sociaux pour que ce soit une première étape vers une convergence sociale à travers l’Europe. C’est le chantier auquel le syndicalisme européen et ses affiliés doivent s’atteler ».
La CFDT entend être figure de proue en la matière. « Certes, le socle n’est pas un traité et n’est pas contraignant pour l’instant, poursuit Laurent Berger, mais c’est une avancée et, maintenant, c’est à nous de faire notre travail de syndicalistes. Nous sommes dans un virage important pour l’Europe sociale, il s’agit de mettre la pression sur les gouvernements pour transformer l’essai. »

La Commission a d’ores et déjà annoncé que le socle social pourrait avoir un impact sur le semestre européen de coordination des politiques économiques qui est examiné dès cette semaine. De plus, Marianne Thyssen, la commissaire européenne pour l’Emploi et les Affaires sociales, engage également cette semaine une consultation des partenaires sociaux sur l’accès des emplois atypiques à la protection sociale. Enfin, un tableau de bord en ligne devrait permettre à la Commission de suivre la mise en œuvre du socle pays par pays. Un bon début…

dblain@cfdt.fr