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Italie : le danger d’une coalition antieuropéenne

Publié le 30/05/2018

Depuis les élections législatives du 4 mars, qui ont donné la victoire au Mouvement 5 étoiles et à la Ligue, l’Italie s’enfonce dans le chaos politique. Emilio Gabaglio, syndicaliste italien, s’inquiète des ambitions de cet hybride à deux têtes dont l’un des objectifs clair et affiché s’oriente vers une sortie de l’euro.

Ultime (?) rebondissement dans la crise politique italienne qui fait suite aux élections législatives. C’est bien Giuseppe Conte qui a été nommé Premier ministre après quelques péripéties. « Guiseppe Conte est un inconnu en politique mais ce n’est pas ça le plus grave, analyse Emilio Gabaglio, l’ancien secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES). Ce qui est très gênant, c’est qu’il sera sous la surveillance des deux chefs des partis [Matteo Salvini et Luigi Di Maio] qui l’ont porté au pouvoir, ce qui est contraire à l’esprit de la Constitution. » L’ancien syndicaliste, aujourd’hui retraité, rappelle que « si le Mouvement 5 étoiles (M5S) a une identité politique floue et ne se revendique ni de droite ni de gauche, la Ligue, elle, est un parti d’extrême droite, félicitée par Marine Le Pen et Viktor Orbán pour son résultat, mais pas par Silvio Berlusconi. »  

Pour Emilio Gabaglio, « le grand danger vient de l’attitude eurosceptique voire antieuropéenne de ces partis. S’ils mettent en œuvre leur “contrat” de gouvernement, ce sera un changement de cap total pour l’Italie qui est un des pays fondateurs de l’Union européenne (UE). Ils veulent notamment s’affranchir de la règle des 3% de déficit ce qui mettra le reste de l’UE en difficultés. Ce n’est pas de moins d’Europe dont nous avons besoin mais de mieux et plus d’Europe. »

Sur les mesures sociales du contrat de gouvernement du M5S et de la Ligue, Emilio Gabaglio ne rejette pas l’instauration d’un salaire minimum « à condition de respecter les partenaires sociaux ». En revanche la « proposition, sans plan de financement, d’un revenu universel de 780 euros par mois, a séduit de nombreux électeurs en difficulté, notamment dans le sud du pays. Ils ont promis du rêve, observe l’ancien syndicaliste. Cette proposition a sans doute permis au M5S d’engranger 2 millions d’électeurs ayant migré du Parti démocrate de Matteo Renzi.

Emilio Gabaglio est très sévère sur les mesures fiscales proposées dans le contrat de gouvernement. « La flat tax de 15 à 20% va favoriser les nantis et ne permettra pas de dégager des ressources pour assurer la relance dont l’Italie a besoin, affirme-t-il. Le pays a besoin d’une réforme mais pas de celle-ci. » Même réaction sur la réforme des retraites proposée :« Abolir la réforme Fornero qui prévoit de reculer l’âge de la retraite à 67 ans serait catastrophique. Les finances des caisses de retraite et la démographie ne le permettent pas. On peut assouplir cette réforme mais pas la supprimer. »

Enfin sur les chances de survie politique de cette coalition, Emilio Gabaglio estime « qu’elle pourra perdurer si elle se contente d’actes symboliques sans impact sur l’économie réelle alors qu’on a besoin d’une vraie relance ». L’Italie n’en a pas fini avec le populisme.

dblain@cfdt.fr

Photo: (à gauche) Luigi di Maio, leader du M5S - (à droite) Matteo Salvini, de la Ligue © Tiziana Fabi/AFP.