Chez Raynal et Roquelaure, une enquête flash pour renouer le dialogue abonné

Au fur et à mesure des changements de direction de l’usine du Vaucluse spécialisée dans les plats cuisinés italiens, le dialogue social s’est effiloché. L’initiative de la CFDT a permis d’en savoir plus sur les conditions de travail réelles. Et d’envisager des pistes d’actions pour les améliorer.

Par Dominique Primault— Publié le 09/08/2018 à 07h31

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Pendant cinq semaines, au cours de l’été 2016, le grand portail blanc de l’usine Raynal et Roquelaure située à Camaret-sur-Aigues, à quelques encablures d’Orange, est resté fermé. Sous les vastes halls, les presses à raviolis de cette société agroalimentaire spécialisée dans les plats italiens, la chaîne de préparation des sauces, les emboîteuses… Tout était à l’arrêt. La cause ? Un mouvement de grève particulièrement dur, renouvelé vote après vote par la grande majorité des salariés sur fond d’absence complète de dialogue social. « Peu de temps auparavant, la direction avait été remerciée, explique Régis Cafier, militant CFDT et secrétaire du comité d’entreprise de l’usine. Tout de suite, la nouvelle équipe a voulu marquer son territoire et instaurer un climat répressif. Au cours d’une réunion de délégués du personnel, ils ont attaqué les instances représentatives du personnel, nous qualifiant d’irresponsables. Le rapport de force s’est rapidement tendu. » Le mouvement éclate lors des négociations annuelles obligatoires. Un déclic. « La santé de l’entreprise n’était pas mauvaise, le chiffre d’affaires était positif… mais rien n’était négociable ! » Pour toute réponse à leurs demandes, les élus n’obtiennent qu’un méprisant : « Ici, c’est moi le patron. »

“Cette usine, c’est aussi la nôtre !”


La formation syndicale pour mieux s’armer
Les élus CFDT de Raynal et Roquelaure profitent des formations dispensées par l’Afete (Association de formation et d’expertises pour le travail et son évolution) de l’Union régionale interprofessionnelle de Provence-Alpes-Côte d’Azur afin de s’armer juridiquement. « Elles nous permettent d’avoir les épaules plus larges pour discuter avec la direction. »

Des contraintes horaires à contourner pour s’organiser
Difficile pour une section de s’organiser quand l’organisation du travail repose sur les trois-huit. Les moments où tous les militants de Raynal et Roquelaure peuvent se retrouver sont rares. Ils ont trouvé une parade en ouvrant une Dropbox (espace de travail sur internet permettant de partager des documents). « On y met les accords d’entreprise, les accords de branche, les conventions collectives… tous les outils qui nous garantissent la plus grande efficacité possible. »

Comité social et économique : il est urgent d’attendre !
Les élections professionnelles de l’usine de Camaret-sur-Aigues ont eu lieu en 2016. « Nous allons repousser la mise en place du comité social et économique, qui remplacera les anciennes instances représentatives du personnel le plus tard possible, c’est-à-dire en décembre 2019, annonce le délégué syndical CFDT. Nous allons attendre de voir les accords qui seront passés ailleurs… »

Le changement de ton est brutal, à l’image de l’histoire de cette société qui a fêté ses cinquante ans en décembre 2017. Pendant des décennies, sa marque phare, Buitoni, propriété du groupe Nestlé, et le fabricant de tomates en conserve Le Cabanon ont fait vivre le territoire de la petite commune de Camaret-sur-Aigues. Et au-delà. Plus de mille familles tiraient leurs revenus de la production de ces deux entreprises situées à quelques kilomètres l’une de l’autre. « Cette usine, c’est aussi la nôtre, insiste le délégué syndical CFDT Jocelyn Prophète. On se bat pour de meilleures conditions de travail, bien sûr, mais aussi pour notre outil. Nous voulons que les dirigeants investissent dans le maintien de l’emploi dans cette zone qui en manque terriblement. » Sur le bassin d’Orange, 12,6 % de la population pointe au chômage, soit 4 points de plus que la moyenne nationale. Sans le nucléaire et la présence de la centrale du Tricastin, le bassin serait totalement sinistré, constate amèrement le militant CFDT.

Aujourd’hui, Le Cabanon a fermé ses portes et Raynal et Roquelaure a réduit de moitié le nombre de ses salariés en moins de vingt-cinq ans. « Nous avons été frappés de plein fouet par deux crises successives, expliquent Jocelyn et Régis. La crise de la vache folle, au début des années 1990, puis la crise équine, en 2013. »

Sortir du blocage et renouer le dialogue

Le médiatique épisode de la viande de cheval introduite dans les lasagnes, révélatrice des pratiques opaques d’acteurs du secteur agroalimentaire qui ont comme principal objectif de rogner sur les coûts, n’épargne pas l’usine Raynal et Roquelaure. Totalement étrangère à cette affaire, elle voit pourtant ses volumes de production fondre rapidement. La désaffection pour les plats cuisinés à base de viande est générale, et Raynal et Roquelaure, qui a racheté l’usine à Nestlé en 2003, n’y échappe pas. « Syndicalement, nous avons limité les conséquences pour le personnel, se souvient Jocelyn. La chute de la production entraînait de facto une baisse des effectifs selon la direction. Nous avons réussi à la convaincre de ne pas procéder à des licenciements secs mais de regarder de près la pyramide des âges et de procéder en douceur, au gré des départs en retraite. » C’est ce qui a été fait. Aujourd’hui, les effectifs sont stabilisés. L’usine emploie un peu plus de 180 salariés, mais « beaucoup sont partis avec leurs compétences et leurs savoirs », regrette Régis Cafier, qui pointe l’absence de politique de formation pour les nouveaux.…

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